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Régis Juanico, plus que jamais engagé contre la sédentarité

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Reconverti dans le conseil auprès des collectivités, entreprises et acteurs du sport, l’ex-député poursuit son combat contre la sédentarité en publiant « Bougeons ! ». 

Régis Juanico, le mot d’ordre « Bougeons ! » qui donne son titre à votre ouvrage contraste avec le constat accablant de la progression de la sédentarité que vous y dressez…

« Bougeons ! », c’est mieux que « Bougez ! » : les injonctions sont assez peu efficaces en matière de santé publique. Le Pr François Carré, qui alerte depuis dix ans sur la « bombe à retardement sanitaire » que représente l’insuffisance d’activité physique et le temps passé assis quotidiennement, constate d’ailleurs que « la mèche est de plus en plus courte ». Mais ce titre reflète l’esprit d’un ouvrage qui n’est pas qu’une énième alerte mais propose une boîte à outils pour lutter contre ce que j’appelle la nouvelle « addiction à la chaise », encore aggravée par celle aux écrans. Cette addiction tue à petit feu : le coût de l’inactivité et de la sédentarité se calcule en dizaines de milliers de décès prématurés chaque année. Elle se traduit aussi par le développement galopant de maladies chroniques qui désormais touchent aussi les jeunes générations : diabète, infarctus du myocarde et dépression ne sont plus seulement des « maladies de vieux », et la crise sanitaire est venue en rajouter encore une couche ! C’est pourquoi j’identifie dix mesures en faveur de modes de vie plus actifs, de la naissance à la fin de vie. Dix mesures qui constituent à mes yeux une stratégie nationale cohérente de lutte contre la sédentarité.

 

Le Pr François Carré, qui constatait il y a plusieurs années la perte de 25 % des capacités cardiovasculaires des collégiens en une génération, confie en préface son « découragement » devant le manque de réaction des décideurs, qu’il compare à l’immobilisme face au réchauffement climatique…

Tout d’abord, ce chiffre qui établissait une comparaison avec les années 1970 remonte à dix ans et est aujourd’hui dépassé : la dégradation s’est poursuivie et on est désormais sans doute au-delà de 30 %. Ensuite, la comparaison est pleinement justifiée : en dépit d’alertes sanitaires documentées, on observe la même procrastination que devant le réchauffement climatique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) parle désormais de « tsunami » à propos des épidémies de surpoids et de l’obésité dans le monde entier. En France, la prévalence du surpoids et de l’obésité infantile (2-7 ans) est aujourd’hui de 34 %. Ces chiffres ont obligé les pouvoirs publics à réagir : le programme « Retrouve ton cap », qui associe une prise en charge diététique, psychologique et de l’activité physique adaptée, a ainsi été généralisé pour les 3-12 ans après son expérimentation dans quelques départements.

Au-delà des chiffres actualisés que nous avons réunis, l’objectif est de donner des clés pour inverser cette tendance mortifère. Ainsi, remplacer trente minutes de sédentarité par trente minutes quotidiennes d’activité physique (vélo, marche rapide, montée d’escaliers, bricolage, ménage) permet de réduire la mortalité prématurée de 17 % et les accidents cardiovasculaires de 30 %. Prendre de bonnes habitudes de vie dès l’enfance pour les garder jusqu’à l’âge adulte : c’est ce qu’on appelle du nom savant de « littératie physique ». Et pas la peine de viser des objectifs trop élevés qui découragent : 1000 pas de plus chaque jour, c’est déjà bon pour sa santé.

 

Vos rapports parlementaires ont-ils eu des suites concrètes ?

Contrairement aux idées reçues, les préconisations des rapports parlementaires sont souvent suivies d’effet. Comme nous le suggérions avec ma collègue Marie Tamarelle dans notre rapport de 2021 sur la sédentarité, le ministère de la Santé est devenu celui de la Santé et de la Prévention. Nous avons obtenu la généralisation des 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école en complément de l’EPS et l’élargissement du Pass’Sport aux étudiants boursiers. La campagne grand public auprès des adolescents que nous appelions de nos vœux a également été menée. Cela bouge aussi sur la prescription et le remboursement de l’activité physique adaptée, avec des annonces attendues prochainement. Il n’en est pas moins urgent de changer de braquet, notamment concernant les jeunes et leur environnement scolaire : aménager les cours de récréation pour les rendre « actives » ; adapter la voirie pour que les parents perdent l’habitude de déposer leurs enfants comme au « drive » et les laissent finir d’arriver à pied ; implanter des pistes cyclables permettant de se rendre au collège à vélo en toute sécurité. À l’école, l’objectif doit être au moins une heure d’activité physique quotidienne, en plus d’horaires d’EPS vraiment respectés ! Comme nous le préconisions en 2016 avec Pascal Deguilhem dans notre rapport sur le sport à l’école, il convient aussi de renforcer le rôle d’une fédération scolaire comme l’Usep en lui donnant les moyens d’intervenir dans toutes les écoles.

 

Vous citez aussi l’expérience menée avec des collégiens sous l’égide du Pr Carré et du collectif Une France en forme…

Cette étude, intitulée « Inverser les courbes » et menée avec le concours de 9000 élèves de 6e et leurs professeurs d’EPS, montre que deux séances hebdomadaires de 15 minutes de « fractionnés » permettent d’améliorer de manière notable la vitesse maximale aérobie (VMA). La généralisation de tests de condition physique à l’école, au collège, au lycée, et aussi dans l’enseignement supérieur (avec les campus promoteurs de santé) et dans le monde du travail, pourrait servir de base à une action impliquant des fédérations sportives qui, comme l’Ufolep, s’adressent à des publics parfois très éloignés de la pratique.

 

À qui s’adresse précisément votre livre ?

D’une part au grand public, afin de l’informer sur l’épidémie de sédentarité et les bienfaits d’une activité physique régulière, dans l’idée de susciter peut-être un déclic, et d’autre part aux décideurs et aux pouvoirs publics en ce qui concerne plus précisément les dix orientations pour des modes de vies plus actifs qui y sont formulées. Certaines peuvent être financées dès demain en prélevant quelques pourcentages sur les budgets sociaux colossaux des départements concernant les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap, qui elles-mêmes ont trop peu d’activité physique. Le département est le bon échelon territorial pour faire bouger les choses.

 

Qu’attendez-vous des Jeux olympiques et paralympiques et d’une année 2024 où l’activité physique et sportive sera décrétée « grande cause nationale » ?

Au-delà de toutes les initiatives et annonces à venir, j’attends un héritage durable. Encore une fois, je crois à la généralisation des tests de condition physique, suivis d’un accompagnement vers une pratique adaptée. Le design actif, c’est-à-dire l’aménagement urbain pour favoriser l’activité physique quotidienne et les mobilités actives, ne coûte pas très cher non plus, beaucoup moins en tout cas que des équipements structurants comme les piscines, les gymnases ou les stades. Or il permet de toucher aussi ceux qui restent à l’écart des pratiques encadrées. Je crois également aux Maisons sport santé pour accueillir celles et ceux qui souhaitent se voir prescrire de l’activité physique adaptée, et au développement de sections loisir et sport-santé-bien-être pour accueillir ce public dans des clubs animés par des bénévoles ou des professionnels qualifiés. Des fédérations comme l’Ufolep ont de ce point de vue un rôle essentiel à jouer.

Donc oui, il y aura l’an prochain des campagnes de communication et l’activité physique et sportive sera érigée en grande cause nationale : c’était d’ailleurs une proposition du collectif Une France en Forme et de notre rapport de 2021 avec Marie Tamarelle. Ce sera une rampe de lancement. Mais rien n’empêche de faire de l’activité physique et sportive une grande cause nationale permanente.

 

Propos recueillis par Philippe Brenot


« Bougeons ! », Régis Juanico, avec la collaboration d’Hakim Khellaf, éditions de l’Aube-Fondation Jean-Jaurès, 144 p., 16 €.
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