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Réchauffement climatique: sport d'été en danger

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L’été est la saison privilégiée des grandes compétitions, des pratiques nature et des animations de quartier. Du Tour de France aux Nationaux Ufolep en passant par le Playa Tour, comment les préserver face aux canicules et sécheresses qui accompagnent le changement climatique ?

« Je ne suis pas certain que le Tour de France puisse continuer de se tenir en juillet. Il en va de la santé des coureurs et des spectateurs. » L’interview accordée par Guillaume Martin, 8ème de la Grande Boucle 2021, au magazine en ligne Reporterre, avaient aiguillonné le milieu cycliste l’automne dernier. Et ses propos pourraient malheureusement redevenir très bientôt d’une brûlante actualité. On se souvient d’ailleurs qu’en 2020, pour cause de Covid cette fois, l’épreuve avait été décalée à septembre.

La question de déplacer les courses à un autre moment de l’année ne se pose pas seulement au géant ASO mais aussi à tout organisateur, à commencer par l’Ufolep.  « Nous avons en effet connu de fortes chaleurs l’an passé pour notre National cyclosport du week-end du 14 juillet en Côte-d’Or. Fort à propos, une partie du circuit était tracé en forêt. Mais le maintien de l’épreuve dépendait de la Préfecture, qui le surlendemain a pris un arrêté de canicule » reconnaît Alain Garnier, responsable de la commission nationale activités cyclistes. Aussi a-t-il été envisagé pour l’édition 2023 à Sault (Vaucluse) d'avancer les départs du matin et de reculer ceux de l'après-midi. « Mais c’est compliqué, vu le nombre de catégories – 13 avec les vélos couchés – et cela repousserait les podiums après 20 heures. »

Et changer la date ? « En 2021 à Corbelin (Isère), le national s’était couru début juillet et ce devrait être de nouveau le cas en 2024 dans l’Yonne et en 2025 dans les Landes. » À ceci près que les vagues de chaleur sont de plus en plus précoces...

Trop grand soleil sur le Playa Tour. Et si le soleil, autrefois tant espéré, devenait aussi le pire ennemi de la caravane du Playa Tour ? « L’an passé, les deux étapes des 12 et 13 juillet que nous coorganisions avec les Pyrénées-Atlantiques à Mimizan puis à Hendaye ont été maintenues, mais tout juste : l’arrêté canicule est entré en vigueur le 15 juillet, se souvient Romain Ponchon, délégué Ufolep des Landes. La chaleur était éprouvante : à Mimizan, nous avons accueilli l’essentiel des 350 participants le matin. Après 13 heures, il n’y avait plus un chat et nous avons remballé plus tôt. L’océan avait beau apporter un peu d’humidité, le sable était brûlant. »

Des arrêtés préfectoraux ont en revanche eu raison de l’étape ardennaise des 18-19 juillet et de la première des quatre journées prévues dans l’Eure, sur la base de loisirs de Léry-Poses, près de Val-de-Reuil. « Pour l’installation, il faisait 40°, sur un site avec très peu d’ombre, se souvient Régis Guillaume, éducateur départemental. Et si les jours suivants nous avons pu accueillir les gens, il y a eu très peu de monde. » Devenue régionale, l’étape normande dressera cette année ses structures sur une plage du Calvados, en espérant que la brise de mer compense l’absence d’ombre. Et à Poix-Terron, lieu reconduit de l’étape des Ardennes, on espère plus de fraîcheur, sans pour autant souhaiter la pluie…

Dehors comme dedans. Au-delà desévènements sportifs, toutes les activités physiques sont concernées, à commence par celles de nature. Si les cyclistes et autres randonneurs pédestres peuvent se lever plus tôt le matin, les itinéraires et les impératifs horaires ne permettent pas toujours s’offrir de longues siestes à l’ombre. C’est encore plus vrai pour les grimpeurs et les alpinistes, dans une haute montagne devenue plus dangereuse : effondrement de parois qui ne sont plus tenues par le permafrost, risque renforcé d’avalanches et de chutes de séracs, et orages toujours plus puissants. Parallèlement, l’érosion côtière et la hausse du niveau de la mer mettent en péril les activités nautiques. En outre, les vagues de chaleur s’accompagnent souvent d’une pollution de l’air accrue à l’ozone et aux particules fines.

Les activités urbaines ne sont pas moins concernées, tant la pierre, le béton et le macadam accumulent la chaleur. Et ce n’est pas forcément mieux dedans : allez donc pratiquer dans la touffeur d’un vieux gymnase COSEC par lequel la rénovation énergétique n’est pas encore passée…

Manque d’eau. Qui dit canicule dit aussi sécheresse, laquelle n’est d’ailleurs plus seulement estivale mais sévit toute l’année dans certaines régions, ce qui vient encore aggraver la situation. Faut-il oublier les frissons du rafting et les rafraîchissantes descentes en canoë quand les vives rivières d’hier se résument à quelques filets d’eau serpentant parmi les rochers ?

Mais pas la peine d’aller si loin. Prenez le terrain de foot du bout de la rue : en période de pénurie d’eau, pas question de l’arroser, et les municipalités en interdisent l’accès pour préserver ce qui reste d’herbe grillée. Et impensable de se replier sur les synthétiques, où la chaleur renvoyée par le sol brûle les pieds et monte à la tête. Même des activités comme le motocross et le sport auto sont désormais sous la menace : pas tant à cause de la mécanique, habituée à chauffer, mais de pistes en terre qu’il est indispensable d’arroser pour qu’elles ne disparaissent pas dans un nuage de poussière. 

Deux mois en moins. Si pour certains l’été dernier fut un électrochoc, la menace était pourtant annoncée. « Le rapport publié en 2021 par le WWF a démontré qu’avec une augmentation de la température de 2 à 4°, la pratique sportive annuelle serait réduite de deux mois en France. Si on veut garder ces deux mois, il faut s’emparer immédiatement de ce rapport », alerte Anne-Marie Heugas, présidente de la commission sport durable de l’Andes, l’Association nationale des élus en charge du sport.

Que faire alors ? À court terme, il n’existe aucune solution miracle. C’est à moyen et long terme qu’il faut envisager les choses. L’élue Europe Écologie Les Verts de Montreuil (Seine-Saint-Denis) rappelle à ce propos que le sport contribue lui-même au réchauffement climatique : « Tout en anticipant et s’adaptant le mieux possible à l’accroissement de la chaleur, il faut s’atteler à limiter l’empreinte carbone des pratiques à travers tout ce qui est inhérent aux équipements, à la gestion de l’énergie et plus encore aux transports, qui pèsent pour près de 60 % dans cette empreinte. »

Éco-conditionnalité. Moins de matchs, plus de proximité, pour des déplacements moins fréquents, moins longs et moins impactants… Le ministère des Sports a bien lancé en 2015 l’outil Optimouv’, développé avec le CNOSF et l’Ademe pour trouver les meilleurs lieux de rencontres et optimiser l’organisation des poules de championnat : mais quelles fédérations l’utilisent vraiment ?

Cela vaut aussi pour le sport professionnel, qui peut en outre avoir valeur de symbole. Quand l’entraîneur du Paris-Saint-Germain ironise en envisageant un déplacement à Nantes en char à voile plutôt qu’en avion privé, au match retour son adversaire a pris le train, puis l’autocar pour s’en revenir du Parc des Princes… « Nous travaillons sur un mécanisme d’éco-conditionnalité par rapport aux subventions, explique Anne-Marie Heugas. Si quelqu’un se rend à vélo sur un lieu ou un équipement, il pourra bénéficier de la gratuité ou d’une réduction sur l’entrée pour un match. Idem u niveau local pour la réduction et la gestion des déchets. Les écogestes les plus modestes contribuent à enclencher la démarche et changer les habitudes. Aujourd’hui, on se focalise sur les activités de montagne, l’absence de neige l’hiver. Mais demain, toutes les activités sportives subiront de plein fouet le réchauffement climatique. »

Et c’est là le genre de match où il n’y a que des perdants.

Philippe Brenot

 

« Je me suis demandé ce que je faisais là »

« Je me souviens tout particulièrement de la Vuelta 2021. Pendant plusieurs jours, nous avions traversé des chaleurs hallucinantes, particulièrement dans le sud de l’Espagne. J’ai le souvenir d’une étape où, pendant cinq heures, mon compteur n’était pas descendu en dessous de 33 °C. En moyenne, nous étions autour de 39 °C, alors que nous sommes montés en altitude. Un moment, je me suis demandé ce que je faisais là, à faire des efforts extrêmes sous des températures extrêmes, pendant que les autorités conseillaient à la population de rester cloîtrée chez elle avec les volets fermés. »

Guillaume Martin au magazine Reporterre, novembre 2022. Il avait terminé 9e de la course, après avoir été sacré meilleur grimpeur de l’édition 2020.


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