Les troublants assauts de « La Vierge néerlandaise »

Janna, escrimeuse néerlandaise de 18 ans, est envoyée par son père à Aix-la-Chapelle, de l’autre côté de la frontière allemande, pour y suivre l’enseignement d’un maître d’armes prussien, vieil aristocrate dont elle va bientôt s’éprendre. C’est l’argument de La Vierge néerlandaise, premier des quatre romans de Marente de Moor à être traduit en français, et dont le personnage de la jeune héroïne est librement inspiré de la fleurettiste Helene Mayer, médaillée d’or aux Jeux olympiques d’Amsterdam 1928, puis de Berlin 1936, auxquels elle participera en dépit de son origine juive.

Le ton léger des premières pages s’assombrit au fur et à mesure que le roman progresse dans un décor lugubre et onirique. Parallèlement, le désir de la jeune femme s’éveille au fil de séances où les postures de l’escrime – discipline pratiquée par l’autrice – et l’expérience intérieure du combat sont remarquablement rendues. Il y a aussi la théâtralité des personnages, troubles et expressifs, et cette réflexion sur le masque : celui qui protège de la pointe du fleuret de son adversaire et celui que l’on affiche pour masquer ses secrets et ses élans. Il y a enfin le contexte historique de la montée du nazisme, qui contraste avec l’héritage moyenâgeux et chevaleresque de l’escrime incarné par l’aristocratique maître d’armes auquel Janna finit par livrer un duel imaginaire. Dans ce roman initiatique, le chemin de l’émancipation passe aussi par des choix idéologiques tandis que la nature, très présente, ajoute au romantisme pour exacerber sensations et sentiments. Rosemary Paul-Chopin

La Vierge néerlandaise, Marente de Moor, Les Argonautes, 2023 (paru en 2010 aux Pays-Bas), 314 pages, 22,90 €.