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« Les Forcés de la route », vicissitudes du cyclisme sous l’Occupation

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« Les Forcés de la route », vicissitudes du cyclisme sous l’Occupation

 

En juillet 1947, le retour du Tour de France après sept ans d’interruption fut vécu comme une renaissance. Au cœur de la Seconde Guerre mondiale, y eut pourtant une initiative commune de l’Occupant et du régime de Vichy pour relancer l’épreuve, par souci de donner à la population une illusion de normalité. C’est ce que rappelle Étienne Bonamy, ancien rédacteur en chef de L’Équipe, dans un roman très réussi.

Comme le Tour de France appartenait au journal L’Auto, ancêtre de L’Équipe, et que son directeur, Jacques Goddet, avait fermement refusé d’organiser l’épreuve, la mission échut à son ancien lieutenant, Jean Leulliot, passé au service du journal collaborationniste La France socialiste. Il lui fallut trouver également une nouvelle appellation. Celui-ci imagina alors en quelques semaines un Circuit de France en six étapes et 1 650 km, échelonnés du 28 septembre au 4 octobre 1942 : une pâle copie qui, dans le contexte très particulier de l’époque, tourna vite au fiasco.

Jean Leulliot avait pourtant réussi à réunir au départ un peloton de 72 engagés français, belges et italiens à qui l’on avait souvent forcé la main, comme le champion de France 1942 Émile Idée, aujourd’hui centenaire. La grande voix de la Radiodiffusion nationale, Georges Briquet, tenait la chronique de la course sur les ondes et 35 confrères de presse écrite suivaient en autocar. Mais la pluie tenace des premiers jours et les difficultés logistiques (logement, ravitaillement, matériel) entamèrent vite le moral de la troupe.

Le summum fut atteint lors de l’étape Poitiers-Clermont : 280 km avec un arrêt à Limoges et, surtout, le franchissement préalable de la ligne de démarcation. En dépit des autorisations accordées, les opérations de contrôle s’éternisent pendant trois heures et déjà la nuit d’automne tombe alors que se profile une dernière descente de col particulièrement dangereuse. L’organisateur sera contraint d’avancer l’arrivée de 17 km : tant pis pour le public qui patientait depuis des heures au vélodrome de Clermont-Ferrand !

En dépit de la réussite populaire de l’arrivée finale au Parc des Princes, à l’issue de laquelle le Belge François Neuville devance au classement général Louis Caput et vingt-cinq autres rescapés, l’envahissement de la zone libre, au lendemain du débarquement allié en Afrique du Nord, règlera la question d’une éventuelle seconde édition.

À travers ses personnages, Étienne Bonamy recrée remarquablement l’atmosphère de l’époque : petites lâchetés d’un journaliste collabo, magouilles de marché noir d’un camionneur et héroïsme discret de deux mécanos embarquant des passagers clandestins et du motard Pierre Dréan, qui faisait passer des messages à la Résistance. Arrêté par les Allemands, interné puis délivré par les FFI, ce dernier s’engagera dans la lutte armée puis dans les Forces françaises libres avant d’ouvrir un garage moto, précise Étienne Bonamy dans l’une des notices biographiques figurant en fin d’ouvrage. Quant au mécano Lucien Courtial, il continuera de veiller après-guerre sur les vélos des champions, accompagnant même en 1957 Jacques Anquetil dans sa première victoire sur le Tour. Loin, très loin de cet éphémère Circuit de France des années sombres. Ph.B.


Les Forcés de la route, Étienne Bonamy, En Exergue, 204 pages, 20 €.
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