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Sport terre d’asile

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Utiliser le sport comme outil d’inclusion des réfugiés : c’est ce que proposent des associations et fédérations, dont l’Ufolep, qui s’appuie sur l’expérience acquise par ses comités pour développer le dispositif Primo-Sport.

« Il n’y a pas d’outil plus pertinent que le sport pour l’insertion sociale des réfugiés. » Ces mots de Pierre Rabadan, ancien rugbyman et actuel adjoint aux sports à la mairie de Paris, résument parfaitement l’esprit du colloque « Sport et réfugiés » organisé le 6 avril à la Maison des réfugiés, boulevard Jourdan à Paris. Ce jour-là, l’ONG Play International et le cercle de réflexion Sport et citoyenneté avaient convié dans le hall de cette structure pilotée par Emmaüs Solidarités des associations proposant des activités sportives aux personnes réfugiées. Des activités qui permettent de se rencontrer en dépassant la frontière de la langue, d’améliorer le bien-être physique et psychique, et pour certains de renouer avec une pratique qui était la leur dans leur pays d’origine.

L’amitié par le sport

Il y avait là l’association Kabubu, mot qui signifie « l’amitié par le sport » en swahili et est aussi le nom d’une lutte congolaise. Kabubu réunit « exilés » et « locaux » autour d’activités sportives, dont certaines destinées aux femmes. L’association propose aussi des formations professionnelles : le programme « Relais » d’accès aux métiers du sport, et le programme « Splash », qui forme des surveillants de baignade, avec pour prérequis d’être inscrit comme demandeur d’emploi et de posséder un bon niveau en natation.

Kabubu a aussi inscrit deux équipes dans le championnat parisien de foot à 7 de la FSGT, elle-même engagée auprès de ce public. La Fédération sportive et gymnique du travail s’appuie en effet sur ses associations animées par des bénévoles pour proposer diverses activités aux réfugiés, qui sont souvent des jeunes hommes : volley-ball, course à pied ou escalade.

Il y avait aussi l’association Ovale Citoyen, qui fait appel à la solidarité du monde du rugby, professionnel et amateur : accueil sur des entraînements prolongés par une collation, collectes, offres d’emploi et job dating (le prochain le 6 juillet à Marseille), ou bien encore des places gratuites pour assister à des matches de Top 14. Quant à l’association Solibad, elle propose aux clubs d’Île-de-France d’accueillir un réfugié, en partenariat avec la FFBad, France Terre d’Asile, et en associant à la démarche un étudiant de l’Institut de recherches internationales et stratégiques (Iris). « Durant les temps de pause, on peut échanger. Et dans l’activité sportive, on oublie quelques heures les difficultés du quotidien » observe le journaliste et photographe de sport Raphaël Sachetat, président de Solibad. Tout en précisant : « En club, l’accueil est bon s’il y a un accompagnement. »

Repères communs

Le public touché est souvent constitué d’hommes jeunes, généralement en bonne santé physique mais qui ont surmonté de dures épreuves, et pour lesquels la pratique sportive a des effets positifs. « Le sport aide à se reconstruire. L’activité physique a un impact sur la confiance et l’image de soi », souligne Laurent Moustard, du comité FSGT de Paris. « L’accès au sport peut sembler dérisoire, mais c’est une façon de s’intégrer au quotidien » ajoute Bruno Morel, directeur général d’Emmaüs Solidarités. « Le sport est un langage universel. Il offre des repères communs à des personnes qui ne se connaissent pas et se découvrent en pratiquant ensemble » complète Pierre Rabadan, qui au regard de ses responsabilités municipales est également concerné par l’accès aux lieux de pratique : « À Paris, nous avons fait de la place à l’association Kabubu en dépit de la très forte tension sur les équipements sportifs. Certains représentants politiques se sont émus que certaines associations aient pu perdre des créneaux, mais nous assumons ce choix. »

Lancer des initiatives, parfois sous le coup de l’émotion comme celle suscitée par la guerre en Ukraine, c’est bien. Mais apporter une réponse concertée et pérenne, c’est encore mieux. « Le sport est un bon outil pour se reconstruire, chacun en convient. Mais, au-delà des différentes initiatives qui peuvent exister, il faudrait développer un projet construit et financé à une plus large échelle, et dont on puisse mesurer l’impact, pointe Hugues Relier, directeur de la performance sociale à la Fédération française de badminton. À la FFBad par exemple, nous sommes bon dans l’opérationnel et dans l’activité, mais moins dans l’accompagnement global. D’où la nécessité de travailler avec d’autres partenaires. »

Des réfugiés aux Jeux olympiques

Les acteurs sportifs engagés et les associations de solidarité comme Emmaüs ou France Terre d’Asile ont déjà commencé à travailler ensemble, et le colloque initié par Sport et citoyenneté (dont l’Ufolep est membre) et par Play International (qui depuis sa création en 1999 a étendu ses actions bien au-delà des zones de conflit) avait probablement aussi un autre but : inviter l’État à s’impliquer davantage.

Le ministère des Sports a toutefois intégré dès 2013 l’enjeu de la pratique sportive et de l’insertion sociale des personnes exilées, et la stratégie nationale pour l’inclusion des réfugiés de 2018 identifie le sport comme outil d’intégration. Dans le cadre de l’Héritage 2024, le ministère a également signé « une convention avec la Fondation olympique des réfugiés dans le but de déployer des programmes d’insertion par le sport à destination des populations réfugiées et déplacées présentes en Île-de-France », comme le relève France Terre d’Asiledans sa lettre d’information du mois de janvier.

La proximité des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 est en effet une incitation supplémentaire à aller plus loin. Depuis Rio 2016, en lien avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, le Comité international olympique intègre une équipe de réfugiés aux JO. À Tokyo l’an passé, cette équipe comptait 29 athlètes venus de onze pays, dont la France, en la personne de la cycliste afghane Masomah Ali Zada. Et si, en 2024, cette participation symbolique s’accompagnait d’une mise en valeur du sport comme outil d’inclusion des personnes réfugiés sur le territoire français ?

L’Ufolep fédère avec Primo-Sport

Pour sa part, l’Ufolep est présente sur ce terrain depuis plusieurs années à travers les actions de ses comités. Depuis la saison 2014-2015, dans le cadre d’un partenariat noué avec la DRJSCS2 Centre-Val-de-Loire, des animateurs Ufolep interviennent par exemple dans les six départements de la région auprès d’établissements accueillant des personnes en situation de précarité, en particulier les Centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada). Depuis, le Dispositif d’inclusion par le sport (Dips) a été reconduit, avec des aménagements.

Ailleurs, comme en Gironde (lire ci-dessous), l’implication des comités Ufolep remonte parfois à 2016, quand les personnes évacuées de la « jungle » de Calais ont été réparties un peu partout en France dans des centres d’hébergement. Et, aujourd’hui, l’afflux de réfugiés entraîné par la guerre ukrainienne est une nouvelle situation d’urgence qui met en lumière des réalités humaines parfois retombées dans l’ombre en dépit des crises politiques ou humanitaires en Afrique ou au Proche et au Moyen-Orient, notamment en Syrie et en Afghanistan.

Symboliquement, l’Ufolep a récemment décidé de renoncer à la part nationale sur les licences sportives prise par des personnes réfugiées auprès d’une association. Elle invite ses comités à faire de même et les services de la Ligue de l’enseignement à faire aussi un geste. Surtout, elle déploie le dispositif Primo-Sport, sur lequel la trentaine de comités départementaux déjà engagés peuvent désormais s’appuyer pour développer leurs actions, et les autres pour intégrer cette démarche. « L’objectif affiché est de permettre aux personnes accompagnées de se réaliser par et dans le sport, dans un objectif d’intégration au sein de la société française », résume Adil El Ouadehe, directeur technique national adjoint « sport société ». Travaillé depuis plus d’un an, ce dispositif visant à favoriser l’insertion des « primo-arrivants » à travers les activités physiques et sportives, est d’une brûlante actualité.

Philippe Brenot


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