Sport en prison : le karting et le sens de la peine

En août dernier, des images d’une course de karting à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), organisée dans le cadre d’une animation inspirée de « Koh-Lanta » réunissant détenus en fin de peine et surveillants, a suscité une vive polémique. Laurent Gras, responsable d’un Observatoire des formations pour l’administration pénitentiaire, l’analyse ici en sociologue.

 

« Derrière l’écran médiatique, cette polémique interroge le sens donné à la peine. C’était la première fois que cette activité était accueillie en prison, pour un petit nombre de détenus, dans le cadre d’une animation d’été. Mais cela a pu troubler une opinion publique peu avertie des réalités de la vie carcérale, surtout quand l’information est relayée dans l’idée de la choquer, avec ce sous-entendu : "Voyez ce qu’on organise pour l’amusement de personnes ayant commis des infractions ou des crimes."

C’est surtout la nature de l’activité qui a suscité l’indignation : un sport mécanique, donc coûteux, ce qui enfreint la loi d’airain voulant qu’on n’élève pas le niveau de vie du détenu au-dessus de celui des travailleurs les plus modestes. C’est aussi l’intrusion du bruit et de la vitesse en un lieu où l’on doit faire pénitence et silence. On n’est pas dans l’effort mais la dextérité, la glisse, le ludique.

Cet épisode a malheureusement eu un fort impact : désormais les établissements pénitentiaires doivent faire valider tout projet alors qu’auparavant ils étaient très autonomes. Il rappelle aussi que le sport en prison peut être mal compris ou accepté. Ainsi, qu’une prison soit dotée d’un gymnase à côté d’un village qui n’en possède pas pourra susciter une certaine incompréhension : "Faut-il commettre un méfait pour bénéficier de telles installations ?". Une question qu’il est possible de se poser quand on méconnaît les réalités de la vie carcérale et le rôle qu’y jouent les activités sportives. »