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Dominique Simonnot : « Se rapprocher de la vie "dehors" »

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Nommée contrôleuse générale des lieux de privation de liberté par Emmanuel Macron en octobre 2020, Dominique Simonnot fut éducatrice au comité de probation de la prison de Nanterre (1979-1991), puis journaliste « police-justice » à Libération et au Canard enchaîné.

 

Dominique Simonnot, quelle place le sport occupe-t-il dans la vie des détenus ?

Cela dépend, tant il y a de différence entre les prisons pour peine et les maisons d’arrêt, où la surpopulation atteint et parfois dépasse largement les 200 %, comme à Gradignan, Toulouse-Seysses ou Tours. Cela restreint l’accès aux activités, sportives ou autres, et même aux soins. Tout est contraint.

 

Parmi ces activités, le sport est-il une demande forte ?

Il l’est d’autant plus que l’immense majorité des détenus sont des hommes (96,4 %), souvent jeunes. Quand on est enfermé 21 heures sur 24 à trois dans une cellule, comme en maison d’arrêt, oui, le sport c’est important ! C’est du foot, de la musculation, mais aussi, surtout dans les centres de détention, du volley, du hand, du badminton, du ping-pong et parfois de l’escalade, du VTT, de l’équitation, et aussi des matchs avec des surveillants, des journalistes et d’autres personnes de l’extérieur. C’est pourquoi j’ai trouvé si « étrange » la polémique sur cette pratique du karting à Fresnes, dans le cadre d’un évènement convivial partagé avec des surveillants. C’était pure démagogie, alors même que l’article 707 du code de procédure pénale affirme que la vie « dedans » doit se rapprocher le plus possible de la vie « dehors » afin de favoriser la réinsertion des détenus, qu’ils sortent meilleurs et mènent une vie exempte de crimes et de délits. C’est une philosophie et une vision de la société qui s’exprime là. Plus prosaïquement, il faut permettre aux détenus de se dépenser, plutôt que de se « taper dessus » ou sur les surveillants. Car je mets quiconque au défi de survivre, entassé à plusieurs dans une cellule, sans énervement.

 

L’administration pénitentiaire fait néanmoins des efforts…

C’est justement ce qui est malheureux. Depuis l’époque où j’étais moi-même éducatrice, la pénitentiaire a beaucoup évolué et s’est considérablement ouverte. On peut pratiquer beaucoup d’activités, sportives et culturelles comme des ateliers d’écriture ou des concours d’éloquence. Mais en maison d’arrêt, la promenade est souvent réduite à une heure et, parfois, les surveillants n’ont pas le temps d’y emmener tous les détenus. Et pour le sport il faut s’inscrire sur liste d’attente. La surpopulation mine les efforts qui sont faits.

 

Y a-t-il d’autres blocages ?

Cette histoire de karting a fait du mal. J’en veux beaucoup à ceux qui ont fait tout ce tapage car il s’agit d’élus qui connaissent l’état des prisons. Cela en dit beaucoup sur l’honnêteté en politique… Désormais, il faut tout faire valider à l’avance. De nombreux projets ont été annulés, par exemple une journée de ramassage des déchets sur les plages.

 

Que pensez-vous de l’appel à des intervenants extérieurs ?

Cela montre aux prisonniers que le reste de la société ne leur est pas indifférent, qu’on les considère comme des êtres humains. Ces intervenants apportent un autre regard et sont aussi une « distraction » dans un univers confiné.

 

Et les activités en dehors de la prison ?

C’est précisément la meilleure façon de rapprocher la vie « dedans » de la vie « dehors ». Après une longue peine, parfois on ne sait plus prendre le bus ou le métro… Il y a tant de choses auxquelles il faut se réaccoutumer. Les sorties sportives participent de cette réappropriation du monde extérieur. Ph.B.

 

Maisons d’arrêt et établissements pour peine

La fonction du sport dans les 187 prisons françaises est structurée par le régime de détention.

Le mode d’incarcération le plus commun est celui des 81 maisons d’arrêt, établissements souvent anciens et implantés en centre-ville où les détenus sont en attente de jugement, d’un transfert, ou condamnés à une courte peine (moins de deux ans). Le temps passé en cellule y est important, la surpopulation forte et l’accès au sport restreint. « Le sport y remplit d’abord un rôle d’exutoire, de défoulement, voire de survie », résume Laurent Gras.

Viennent ensuite les 99 établissements pour peine, parmi lesquels 6 maisons centrales très sécuritaires pour détenus « dangereux » et « longues peines ». « Les échanges avec l’extérieur y sont réduits, le sport internalisé et sécurisé. »

En revanche, les25 centres de détention sont tournés vers la réinsertion et la resocialisation, avec davantage d’activités et d’acteurs extérieurs. Idem pour les 9 centres de semi-liberté, où les détenus bénéficient d’un aménagement de peine et jouissent d’horaires de sorties fixés par le juge.

Par ailleurs, 59 centres pénitentiaires de grande taille abritent des quartiers caractérisés par des régimes de détention différents. Enfin, les 6 établissements spécialisés pour mineurs créés depuis 2007 sont tournés vers l’éducation et l’insertion.


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