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« 200 », magazine du vélo baladeur

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Le trimestriel fondé par Alain Puiseux, 57 ans, journaliste et romancier, fait du vélo une invitation au voyage, tout en interrogeant sa place dans la société d’aujourd’hui.

Alain Puiseux, quel est votre rapport au vélo ?

Le vélo, c’était notre cheval quand on était mômes : pour se rendre à l’école, à la bibliothèque, faire les courses, aller chez les uns et les autres ou au club sportif du village d’à côté. À la fin des années 1960, c’était un moyen de déplacement tout à fait ordinaire. Ensuite, au collège, le prof de gym qui animait l’UNSS nous a emmenés une fois sur un circuit de 50 km à travers les Ardennes. Au retour, il nous a dit : maintenant que vous l’avez en tête, la semaine prochaine vous le refaites seuls et je chronomètre. Aujourd’hui, ce serait impensable ! Et moi qui n’étais pas du tout bon en sport, malhabile et sans doute mal dans ma peau, j’ai adoré ça, cet effort long sur mon bon vieux Peugeot. J’ai ensuite beaucoup roulé jusqu’au lycée, mais jamais en club et sans contact avec la compétition. Je ne suis pas fasciné par les champions, même si enfant je suivais le Tour de France sur Europe 1 : c’était la fin de Poulidor, les années Thévenet. Pour moi le vélo est associé aux paysages et à l’effort de longue durée.

Et adulte ?

J’ai longtemps remplacé le vélo par la course à pied, avec de petites résurgences. Dans les années 1990, un copain qui bossait à l’Équipe m’a convaincu de participer à L’Étape du Tour, pour laquelle je me suis entraîné toute une année. Et quand j’habitais Paris, je traversais la ville de la porte de Vincennes à la Porte d’Issy pour aller travailler. À l’époque, c’était le Far West ! J’ai redécouvert le vélo utilitaire en travaillant quatre ans aux Pays-Bas, où quasiment tout le monde a un vélo et où celui-ci est intégré au réseau de transports. N’idéalisons pas non plus : les Néerlandais aiment aussi la voiture et ils ont leurs embouteillages. Mais le vélo a une place reconnue et on n’a pas besoin de se justifier quand on est cycliste. 

Pourquoi avoir lancé en 2014 le magazine 2001, dont la devise est « le vélo de route autrement » ?

J’ai toujours aimé la presse écrite et l’écriture longue, comme il y a des courses d’endurance. 200 est aussi né de mon expérience du vélo utilitaire aux Pays-Bas et de Paris-Brest-Paris. En 2011, en faisant l’assistance pour un ami, comme tout le monde je l’ai pris pour un dingue. Mais un mois plus tard, je me suis réveillé en me disant que j’allais le faire moi aussi. Cela avait ravivé un tropisme enfoui, ce plaisir adolescent d’effectuer des brevets de 100, 150 km. Ce projet de m’aligner sur Paris-Brest-Paris en 2015 a compté dans le calendrier de sortie du magazine. Des années avant, j’étais tombé sur une revue de course à pied américaine dans laquelle je m’étais complètement retrouvé, tant dans la qualité d’écriture que dans la mise en page et le choix des sujets. 200, je l’ai imaginé, même si c’est immodeste, à mi-chemin entre le magazine spécialisé Runner’s world et Télérama, pour sa qualité et le souci de s’adresser au plus grand nombre. J’ai mis mes économies dans l’impression du premier numéro. Si ça ne marchait pas, tant pis. J’avais 50 ans, c’était le moment ou jamais, et là je viens de boucler le n°282.

200 met en valeur un cyclisme de voyage, mais accorde aussi une place à la pratique quotidienne…

Le vélo étant souvent associé à la compétition, on oublie que c’est d’abord un mode de déplacement, et l’une des solutions à la pollution urbaine et à la sédentarité. C’est accessible, pas très cher, y compris côté infrastructures. Parler seulement du vélo comme un sport me semblerait absurde.

200 est-il un magazine de société ?

Je n’ai pas cette prétention, mais un peu, oui. On y découvre des paysages, on y lit des histoires, et on regarde la société autour de soi. Un magazine de vélo qui ne parlerait pas aussi de pollution, du féminin, des pistes Covid, je ne le conçois pas. À l’inverse, le milieu de la course professionnelle n’en finit pas de se caricaturer et de se replier sur lui-même. Les organisateurs du Tour de France brandissent une mythologie dont ils savent qu’elle n’existe plus depuis longtemps. Et ça n’a tellement rien à voir avec la pratique du vélo…

Qui sont vos lecteurs ?

Des gens qui se mettent ou se remettent au vélo, souvent pas très jeunes, même s’il y en a quand même. Il y a aussi ceux qui sont revenus de la compétition. Ils se sont aperçus qu’en roulant un peu moins vite ils profitaient davantage du paysage et des à-côtés. Comme ceux qui se tournent vers le gravel.

Le gravel, c’est l’avenir ?

Pour les manifestations de masse, probablement pas : il existe des courses très sympas, mais mettre 10 000 personnes sur un chemin comme pour la Marmotte, la cyclosportive3, ça n’aurait aucun sens. Cependant, je fais de plus en plus de gravel alors que je ne viens pas du VTT. Et oui, je crois à son développement, parce que ce n’est pas avec le cœur à 160 et le nez dans le guidon qu’on découvre son pays. Et puis, sur les chemins, on réduit le risque de se faire faucher par une voiture. On a l’effort, sans la compétition. Car même lorsqu’il y en a un classement, en gravel ou dans les courses longue distance, il n’a guère d’importance.

Propos recueillis par Ph.B.

(1) Ce titre fait référence à la distance « magique » de 200 km.

(2) Avril-Mai-Juin 2021, tiré à 27 000 exemplaires. Lire aussi En Jeu n°43, septembre 2020, page 5.

(3) Depuis1982, la Marmotte se termine rituellement par la montée de l’Alpe-d’Huez.


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