Nessa Kankwenda, « breakeuse » licenciée à l’Ufolep, a porté la flamme olympique le 15 mai à Perpignan (Pyrénées-Orientales).
« J’ai 16 ans, je suis élève de seconde et je pratique le breakdance à l’association Mindset, mot qui signifie « état d’esprit, mentalité, attitude » en anglais. Je suis à la fois licenciée à l’Ufolep et à la Fédération française de danse, dont j’ai intégré le pôle Espoir. En compétition je concours en individuel, sous forme de battle : en 2023, j’ai été championne d’Occitanie et médaillée de bronze aux championnats de France, catégorie moins de 16 ans.
J’ai commencé par le hip-hop et la capoeira à sept ans et demi, et très vite découvert le breakdance. Puis mes parents ont créé spécialement pour moi une association qui propose aussi de la remise en forme et fitness pour un public féminin. Mes heures de pratique étant placées juste après les cours, je peux enchaîner et faire ensuite mes devoirs le soir sans aucun problème. Mes parents, Wilfred et Prisca, ont eux-mêmes dansé lorsqu’ils étaient plus jeunes, et à 8 ans ma petite sœur Aya fait aussi du breakdance désormais !
C’est la première fois que notre discipline est présente aux Jeux, et pour tous les danseurs c’est une forme d’aboutissement, même si la discipline ne sera plus au programme à Los Angeles dans quatre ans.
C’est sur proposition de la mairie de Perpignan que j’ai été la troisième relayeuse sur le parcours de la flamme, qui allait du parc des sports au palais des rois de Majorque. Je devais me tenir à 18h10 précises au numéro 15 de l’avenue Paul-Alduy. Il pleuvait, mais pas trop. Chaque relayeur avait seulement 100 mètres à parcourir, mais ce fut une expérience incroyable, avec beaucoup d’ambiance et de public, dont ma famille et mes proches. Et quand le lendemain au lycée je suis arrivée avec mon maillot de relayeuse, tout le monde m’a félicitée ! »
Président d’un club de tir à l’arc Ufolep de la Nièvre, Frédéric Duquenoy sera l’un des volontaires affectés aux épreuves organisées du 25 juillet au 4 août sur l’esplanade des Invalides.
« Je me suis porté volontaire dès l’ouverture des candidatures, juste après la mise en vente des premiers billets, bien trop chers pour moi. Comme je voulais absolument vivre les JO, c’était le moyen d’y aller et, mieux encore, d’y participer de l’intérieur », explique Frédéric Duquenoy, 63 ans, ex-cadre à La Poste.
Frédéric a été retenu après avoir répondu aux 200 questions d’un test de personnalité en ligne. Avoir signé sa première licence à la FFTA en 1977, à Bordeaux, et ensuite participé à plusieurs reprises aux championnats de France de tir nature, n’a pu que jouer en sa faveur.
C’est toutefois à l’Ufolep que s’est déroulée la seconde partie de sa carrière : « Quand en 2012 j’ai voulu reprendre, en l’absence de tout club dans le sud Nièvre j’ai voulu en créer un. J’ai toqué à la porte de la FFTA en sollicitant un peu d’aide pour démarrer, mais je n’ai pas été accueilli à bras ouverts. Alors qu’à l’Ufolep le délégué de l’époque, Fabrice Sauvegrain, m’a aussitôt dégoté le matériel – arc, flèches, cibles – qui m’a permis créer la Compagnie d’arc des Amognes. » Ceci avec le soutien de la mairie de Saint-Bénin-d’Azy, chef-lieu de canton, qui a mis à disposition son gymnase, et l’appui d’une petite entreprise locale d’informatique, sponsor du club à ses débuts.
La Compagnie d’arc des Amognes – du nom de ce coin du Nivernais – se sent moins seule dans la Nièvre et en Bourgogne-Franche-Comté depuis que Frédéric a contribué à la création de sections tir à l’arc dans des associations multisports de Marzy et Guérigny. Tout naturellement, il anime la commission technique départementale, ce qui n’a pas nui à son CV. Ni le fait que son club, fort de 42 licenciés, ait organisé le National jeunes et sarbacane en 2017 et 2022.
« Mon rôle sur les épreuves des Jeux olympiques sera le service aux athlètes, et notamment les orienter sur le site de la compétition, explique Frédéric. Et lors des Jeux paralympiques, pour lesquels j’ai été aussi retenu, j’assurerai la sécurité et l’aide aux arbitres internationaux. » Soit au plus près des cibles.
Au-delà de la grande fête populaire espérée, l’héritage tant vanté des Jeux olympiques et paralympiques se mesurera à leur impact sur l’activité physique et sportive des Français. Un objectif partagé par l’Ufolep.
« Jours heureux » : c’est le titre de l’ouvrage1 où l’historien Jean Garrigues raconte seize journées d’émotions collectives où les Français eurent le sentiment de faire nation. La première date est celle de la fête de la Fédération qui, le 14 juillet 1790 au Champ de mars, donna « l’illusion fragile d’une France rassemblée autour de son Assemblée et de son roi » ; la dernière est celle du 12 juillet 1998, quand le pays communia sur les Champs-Élysées avec le onze black-blanc-beur vainqueur de la Coupe du monde de football. Et qu’en sera-t-il du 26 juillet au 8 août prochains, durant les Jeux olympiques d’été de Paris 2024 ? Y aura-t-il matière à ajouter un nouveau chapitre ?
Attente ou désintérêt ? Débarquée le 8 mai à Marseille du pont du Belem en provenance de Grèce, la flamme olympique aura joué son rôle fédérateur et suscité l’attente, avec un réel succès public tout au long de son parcours2.
Mais si l’on aura beaucoup entendu parler des Jeux olympiques de Paris 2024 avant même qu’ils débutent, les objets de critique et les sujets d’inquiétude n’ont pas manqué : éloignement de réfugiés et sans-abris de la capitale, logements étudiants temporairement réquisitionnés, craintes d’une congestion des transports parisiens, menace sécuritaire accrue et contexte géopolitique caractérisé par l’ombre portée de la guerre à Gaza et en Ukraine.
Opposants inaudibles. Les opposants aux Jeux olympiques ont toutefois été très peu audibles. Comme à chaque rendez-vous olympique, le courant critique du sport incarné par Jean-Marie Brohm a publié un numéro à charge de la revue Quel Sport ?3 sans que son écho dépasse son cénacle. Sur le terrain, les groupes militants ont également peiné à populariser leur message. Ils étaient néanmoins un millier à défiler à Marseille à l’arrivée de la flamme pour dénoncer des « JO de riches » dont il n’y a « pas de quoi être fier », pointant à la fois la logique capitaliste de l’évènement, ses méfaits en termes de gentrification urbaine et de « policiarisation » de l’espace public, l’exploitation des travailleurs sans-papier sur les chantiers, le coût écologique des épreuves de surf en Polynésie, et en réclamant l’exclusion d’Israël. Les 21 et 22 mai en Seine-Saint-Denis, le collectif Saccage 2024 a aussi mobilisé quelques dizaines de personnes contre l’impact écologique et social des Jeux au plan local, de la disparition des jardins ouvriers d’Aubervilliers à l’effet nocif d’un nouvel échangeur autoroutier sur les poumons des enfants du groupe scolaire Pleyel-Anatole-France de Saint-Denis. Mais, quelle que soit leur pertinence, ces protestations sont restées isolées.
Argumentaire rodé. Le comité d’organisation (Cojop) de Paris 2024 et les pouvoirs publics ont donc pu dérouler sans guère de contradiction un discours bien rodé. La plaquette diffusée en mars par le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques vantait ainsi « des Jeux qui transforment le territoire et le cadre de vie » (en particulier en Seine-Saint-Denis), « contribuent à une société plus inclusive » (avec un accès amélioré des personnes en situation de handicap aux transports et aux « parasports »), « bâtissent une nation sportive » et « démontrent le savoir-faire français pour des évènements sportifs durables ». Les organisateurs et leurs partenaires ont toutefois dû revenir sur certaines promesses ou ambitions, comme le principe de gratuité des transports en commun pour les détenteurs de billets le jour de la compétition. Au contraire, les tarifs augmenteront sur l’ensemble de la période. Par ailleurs, la plupart des nouvelles lignes ou prolongements du métro et du RER mis en avant lors de la candidature n’ont pu être achevés dans les délais.
Fédérations multisports engagées. Si les fédérations multisports affinitaires, à commencer par l’Ufolep, ont souvent émis des réserves à l’égard d’un évènement que certains considèrent comme un « barnum » déconnecté des activités physiques de terrain, elles ont apporté leur soutien à Paris 2024, parfois en pesant le pour et le contre comme la FSGT4 dans le numéro de mai de son mensuel Sport & Plein Air : sans méconnaître les craintes et critiques formulées par les opposants aux Jeux, cette fédération très implantée en Seine-Saint-Denis fait le pari de l’héritage en termes d’infrastructures pour ce département sous-doté au regard de la densité de sa population. L’Ufolep se situe sur la même ligne, avec des attentes similaires en matière de développement de la pratique sportive et une ambition de cohésion sociale qui s’incarne aussi dans son rôle moteur dans le dispositif « Le sport au cœur des villages » développé avec le ministère des Sports en appui de la Grande Cause nationale 2024.
Objectif licences. Le temps viendra ensuite à l’automne de dresser un premier bilan des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques qui leur succèderont du 28 août au 8 septembre. La prise de licences sera le premier élément de mesure. Anticipant sur les vocations suscitées par les exploits des athlètes, notamment français, le ministère a demandé aux fédérations de présenter dès début juin un plan d’action afin de pouvoir accueillir toutes celles et ceux qui, on l’espère, se bousculeront au portillon des associations sportives.
Emotions sportives. Entre temps, il y a aura eu l’évènement que, sans être des compétiteurs de haute volée, beaucoup de pratiquants Ufolep attendent, et qui le moment venu retiendra aussi l’attention de beaucoup de ceux qui auront affiché jusqu’alors leur désintérêt. Car comment ne pas être curieux de voir à quoi ressemblera cette cérémonie d’ouverture fluviale ? Et ces épreuves de BMX, breaking, skateboard et basket 3x3 accueillies place de la Concorde ? Et ce marathon final qui ira de l’hôtel de Ville au château de Versailles avec arrivée sur l’esplanade des Invalides, et dont le parcours accueillera la veille les foulées de purs amateurs ? Par ailleurs, près de 4 000 places ont été distribuées par l’Ufolep au sein de son réseau, tant aux bénévoles des associations sur le quota accordé à la fédération qu’à des personnes en précarité grâce à la « billetterie populaire » mise en place par Paris 2024.
Et puis, comme le rappelait il y a vingt ans dans nos colonnes l’écrivain et ex-grand reporter à l’Équipe Christian Montaignac5, sitôt les Jeux ouverts la magie opère : celle des émotions intenses vécues par les athlètes, et aussitôt partagées par le public, dans le stade ou derrière un écran de télévision. « Moi qui suis les Jeux depuis 1972, j’y retrouve à chaque fois la fébrilité, l’angoisse, l’impatience d’une première fois. L’éclat du sport est dans l’instant, et cet éclat brille au Jeux », notait le journaliste en prenant en exemple des « moments rares » vécus à Athènes 2004 par la nageuse Laure Manaudou ou la gymnaste Émilie Le Pennec, médaille d’or surprise aux barres asymétriques.
Dans Jours heureux, Jean Garrigues parle pour sa part de « l’allégresse festive d’une exaltation du présent » en évoquant « les moments de liesse et d’unité » inventoriés par ses soins, et caractérisés selon lui par « l’espérance d’un avenir meilleur ». Sans aller jusque-là, au-delà des injonctions et slogans, ce serait déjà bien si les Jeux contribuaient à la fois à « faire société » et à installer davantage dans le quotidien des Français la pratique physique et sportive. Philippe Brenot
(1) Jours heureux, quand les Français rêvaient ensemble, Payot Histoire, 2023, 254 pages, 21 €. « Les Jours heureux » était également l’intitulé du programme adopté le 15 mars 1944 par le Conseil national de la Résistance.
(2) Même si l’intérêt des Français pour les Jeux aurait reculé de 8 points de janvier à avril, à 51 % (enquête Toluna Interactive réalisée en avril dans huit pays, dont 1084 personnes en France). Interrogés sur leur intention d’aller voir passer la flamme d’ici au 26 juillet, trois quarts des Français interrogés ont répondu par la négative. Cela laissait malgré tout beaucoup de spectateurs potentiels...
(3) Fédération sportive et gymnique du travail.
(4) « Jeux de Paris 2024 sous le joug olympique », n° 39-40, mai 2024, 298 p., 22 €. En retour à la question « Qu’attendez-vous des Jeux ? », l’animateur de la revue Fabien Ollier nous a par ailleurs adressé ce message péremptoire : « Contrairement à En Jeu qui s’illusionne sur les JO de Paris et distille l’idéologie olympique à tout va, Quel Sport ? a mené une campagne contre les JO 2024 depuis avril 2015. (…) Il est donc absolument hors de question que je réponde à votre question débile destinée aux microcéphales de l’Ufolep. Votre "pluralisme" est une mascarade qui ne prend au piège que les demeurés des stades. »
(5) En Jeu n°382, octobre 2004.
La convention triennale signée à l’AG de Lille avec l’Agence nationale des chèques-vacances prolonge un partenariat aux publics diversifiés.
En dix ans d’une fructueuse collaboration, l’Ufolep et l’Agence nationale des chèques-vacances ont fait bénéficier plus de 10 000 personnes de séjours socio-sportifs. Initialement ciblé sur l’accès aux vacances des jeunes de 16 à 25 ans de territoires urbains et ruraux en difficulté, au fil des années ce partenariat s’est également élargi à d’autres publics accompagnés par l’Ufolep et son pôle sport société : celui de l’aide sociale à l’enfance, de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), du réseau des CIDFF1 et du Mouvement du Nid2 et des maisons sport santé Ufo3S. Dans le même temps, un nombre croissant de comités départementaux Ufolep, partout sur le territoire, s’est engagé dans ces actions, avec 48 comités concernés en 2023.
Vision commune. La solidité de ce partenariat repose sur une vision commune : celle de séjours visant à répondre aux inégalités d’accès aux vacances, mais également pensés comme des outils d’éducation et d’insertion sociale et professionnelle. Cette approche qualitative, au-delà des aspects opérationnels et du nombre de bénéficiaires, explique la longévité d’un partenariat qui, en termes financiers, est devenu le deuxième le plus important pour l’Ufolep à travers en signant une convention d’un montant de 1 500 000 € sur trois ans. L’Ufolep et l’ANCV ont aussi su s’adapter aux contraintes sanitaires engendrées par l’épidémie de Covid-19 en créant un dispositif de sortie à la journée qui a permis de maintenir les actions durant cette période.
Durée variée. La durée de ces séjours varie selon l’objectif poursuivi. On trouve ainsi des séjours dits d’« oxygénation » allant de 1 à 3 jours, et d’autres dits de « cohésion » (4 à 19 jours), « starter » (3 à 7 jours pour des lancement de programme socio-sportif) et enfin de « rupture » (plus de 11 jours). La durée moyenne des séjours réalisés est toutefois de 3 jours.
Outil fédératif. Aujourd’hui, les séjours sociosportifs sont pleinement intégrés aux différents programmes développés par l’Ufolep. Ils permettent tout particulièrement de favoriser la cohésion de groupe dans les actions d’insertion sociale ou professionnelle, à l’instar des « parcours coordonnés » pour les jeunes « décrocheurs », ou des initiatives en direction de femmes victimes de violences menées depuis plusieurs années avec les CDIFF, et demain avec le Mouvement du Nid. Ces séjours sont aussi un outil de mobilisation dans le cadre d’une démarche d’éducation et d’intégration (dispositifs Primo-Sport et Engagé.es) et auprès des publics de la PJJ et de nos actions sport-santé. Ces séjours sont ainsi devenus des outils pédagogiques contribuant pleinement à la mise en œuvre des projets fédéraux. Et ils s’inscrivent d’autant plus naturellement dans l’approche pédagogique de l’Ufolep que l’on retrouve des traces de formats de séjours similaires mis en place il y a plus de 40 ans dans notre réseau, alors que le concept de sociosport émergeait tout juste.
Programme 18-25 ans. La volonté commune de poursuivre et renforcer cette approche en touchant toujours davantage de publics se traduira dans la convention triennale signée en avril à Lille par la mise en place de nouveaux services, notamment via le programme 18-25 ans, qui vise à faciliter ledépart en vacances en toute autonomie de jeunes majeurs. Cette aide financière est désormais proposée en complémentarité des séjours socio-sportifs aux jeunes de 18 à 25 ans des associations et structures affiliées à l’Ufolep.
Adil El Ouadehe, DTN adjoint de l’Ufolep en charge du pôle sport société
(1) Centres d’information sur les droits des femmes et des familles.
(2) Le Mouvement du Nid, avec lequel l’Ufolep vient de signer une convention, extrait les personnes prises au piège des réseaux de prostitution.
Quel rapport les jeunes d’aujourd’hui entretiennent-ils avec le sport et comment leur faire retrouver le chemin des associations et des clubs ? Décryptage avec Guillaume Dietsch, enseignant en Staps à l’université de Créteil et auteur de « Les jeunes et le sport. Penser la société de demain » (De Boeck supérieur).
Guillaume Dietsch, la génération née à la charnière des années 1990-2000 a été biberonnée aux écrans, à Internet et aux réseaux sociaux. En quoi cela détermine-t-il son rapport au sport et ses modes de pratique ?
Au-delà d’une catégorie d’âge – la génération « Z » –, on observe une évolution durable de la culture jeune, dans les normes et les valeurs partagées. Le sport fait toujours partie de celle-ci, mais les écrans et les technologies bousculent la manière de s’engager dans une pratique. Les jeunes développent des communautés connectées, entre individualisme et besoin de se socialiser. Cette digitalisation contraint le sport associatif à revoir son accessibilité et son offre auprès d’une génération qui est dans l’immédiateté, le zapping, et davantage dans le sport plaisir que dans la compétition organisée. Aujourd’hui, les loisirs se consomment un peu comme sur Netflix et toutes les études montrent que les jeunes privilégient plutôt la multi-pratique. C’est à prendre en compte pour capter ce public.
Vous pointez « la chute abyssale des licenciés entre 15 et 20 ans, toutes fédérations confondues » : quelles en sont les raisons ? Trop de contraintes, quand city-stades et terrains de basket urbains sont en libre accès et que fleurissent les structures privées de foot à 5 et de padel ?
Tout en se gardant de considérer les jeunes comme une catégorie homogène, certaines contraintes scolaires, familiales (la difficulté d’un parent isolé d’accompagner un adolescent dans sa pratique) ou professionnelles (si on prend en compte les jeunes adultes jusqu’à 29 ans), peuvent jouer. Il y a aussi une problématique de santé : physique à travers les maux de la sédentarité et de l’obésité, et mentale avec un mal-être et des troubles psychologiques plus fréquents parmi cette génération qui a pris de plein fouet l’épidémie de Covid et les confinements. Cela freine l’engagement dans une activité physique et sportive. Se pose enfin la question du coût, et plus encore de l’inadéquation de l’offre. Le modèle sportif fondé sur des championnats et des compétitions ne correspond plus à ce que recherchent majoritairement les jeunes. Même si certaines fédérations, comme l’Ufolep, proposent à la fois un large éventail d’activités et des pratiques loisirs, mixtes, intergénérationnelles et plus inclusives.
Vous mentionnez l’obstacle du coût. Pourtant, en dépit de celui, les jeunes fréquentent de plus en plus les salles de sport privées…
C’est en effet une tendance marquée, même si on peut faire remonter aux années 1980-90 le développement parallèle des pratiques auto-organisées dans des city-stades ou les skate-parks et le boom des salles de remise en forme. Cela s’est encore accentué dans les années 2000-2010. Mais l’évolution forte la plus récente consiste dans la part croissante des jeunes parmi le public ces salles privées autour de pratiques de musculation ou à forte intensité, et une motivation qui tient d’abord du besoin de se défouler. S’y ajoute une dimension narcissique et esthétique caractéristique de cette période de construction identitaire. Aujourd’hui, les moins de 30 ans représentent plus de la moitié des adhérents de ces structures.
Là aussi, les réseaux sociaux sont au cœur des enjeux d’image de soi, et contribuent à ce boom de la musculation1…
Clairement. Les jeunes suivent aussi des influenceurs comme le youtubeur Tibo Inshape (« Thibaud affûté »), avec une large diffusion de contenus numériques portant sur l’entraînement physique et sportif. Cela modifie la relation entre l’éducateur et le pratiquant : on est moins dans la transmission de la connaissance et davantage dans l’accompagnement. Je vois cela à travers mes étudiants en Staps2, qui arrivent déjà avec un programme d’entraînement préétabli… J’ajouterai que le développement de salles « low-costs », où la diversité du public tranche avec le cliché ancien des mannequins hommes et femmes bodybuildés, permet à une nouvelle frange de pratiquants et pratiquantes de franchir le pas. Et, sans les comparer aux associations sportives, ces salles sont malgré tout des espaces de socialisation.
L’intérêt des jeunes pour les sports de combat, boxes ou arts martiaux mixtes (MMA), peut aussi surprendre les plus âgés…
Cela rejoint le boom de la musculation en salle et du street workout, et touche aussi un public féminin. L’engouement pour le MMA et les sports de combat, avec des contenus qu’on s’échange, est caractéristique de la culture jeune actuelle. L’association aux pratiques de musculation est favorisée par les boucles algorithmiques engendrées par le traçage des centres d’intérêts sur les smartphones. Les jeunes « suivent » aussi davantage un influenceur ou un sportif de haut niveau, avec le storytelling construit autour de leur personne, qu’une équipe ou un collectif. C’est symptomatique d’une société hyper-individualiste.
Le football est omniprésent dans leur imaginaire, voire envisagé dans les milieux populaires comme un débouché professionnel et le plus court chemin vers l’aisance matérielle…
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les modes de pratique du football, hors du cadre fédéral, mais oui, c’est un peu la génération Mbappé ! C’est aussi une génération qui a du mal à se projeter sur la temporalité longue, a peu conscience de tous les efforts nécessaires pour arriver à cette réussite, et mésestime la dimension très hypothétique de celle-ci au regard du petit nombre d’élus.
Et les jeunes sont-ils intéressés par les prochains Jeux olympiques ?
Pas de manière marquée ou majoritaire semble-t-il... Cela tient en partie à leurs modes de pratique éloignés des sports traditionnels. C’est pourquoi les promoteurs de Paris 2024 ont tenu à inscrire de nouvelles disciplines plus en phase avec la culture jeune, comme le breaking, le skateboard ou l’escalade, qui elle était déjà présente à Tokyo en 2021.
Quelles questions les clubs sportifs doivent-ils se poser pour toucher davantage les jeunes, dans l’idée de jouer pleinement leur rôle de lien social ?
Ils doivent d’abord prendre en compte les aspirations et les motivations exprimées majoritairement : santé, plaisir, convivialité, défoulement. La compétition n’arrive souvent qu’en 7e ou 8e position dans les enquêtes. Certes, l’Ufolep a depuis longtemps évolué en la matière, mais de façon générale cela invite à réfléchir à proposer à la fois des formats tournés vers la compétition et la performance pour ceux qui le souhaitent, et d’autres modalités de pratique.
Cela pose ensuite la question du rôle d’une fédération au regard des enjeux sociétaux. Selon moi, une fédération et les associations qui l’incarnent sur le terrain doivent être attentives à conserver leur rôle de passeur culturel autour de valeurs d’égalité, de mixité, d’inclusion et de vivre ensemble. Il y a une interface à trouver, en offrant aux jeunes une offre adaptée sans renier ce rôle de passeur culturel et en se gardant de se transformer en prestataire de services, comme certains pourraient être tentés de le faire, en matière de sport-santé notamment. L’association sportive doit continuer de permettre l’apprentissage par le collectif, offrir un lieu de rencontre à cette génération et répondre au besoin de se socialiser, je dirais même de se « reconnecter » à la vie en société.
Propos recueillis par Philippe Brenot
(1) Voir La Fabrique du muscle, Guillaume Vallet, L’Échappée, 2002.
(2) Staps : Sciences et techniques des activités physiques et sportives.
« Il n’y a pas de montagne sans refuge », écrit Hervé Bodeau, lequel s’intéresse moins aux cabanes des Pyrénées et aux burons du Cantal qu’aux refuges gardés qui, à l’initiative des clubs alpins, ont accompagné en Europe le développement de sa pratique.
L’auteur fait remonter les prémisses de cette histoire à l’hospice établi dès le XIe siècle au col du Grand-Saint-Bernard pour abriter les voyageurs s’aventurant sur ce passage fréquenté depuis la préhistoire. Mais celle-ci débute vraiment avec le petit abri que fit construire en 1786 aux Grands Mulets le genevois Horace Bénédict de Saussure pour faciliter l’ascension du mont Blanc. C’est d’ailleurs là que verra le jour en 1866 le premier refuge digne de ce nom. Son gardiennage est confié à Sylvain Couttet, qui accompagne ou secourt volontiers les cordées et participera à la première ascension hivernale du mont Blanc avec Michel Balmat et un couple d’Anglais. Une histoire qui depuis continue de s’écrire.
Près de 90 ans après ses quatre médailles d’or récoltées à Berlin 1936, la figure de Jesse Owens (1913-1980), le sprinter de couleur que selon la légende Hitler aurait refusé de saluer, mais avec qui posa l’athlète allemand Alex Lutz, son dauphin au saut en longueur, conserve toute sa puissance symbolique. Celle d’un petit-fils d’esclave qui s’affirmait « américain en premier, noir en second » pour mieux se faire accepter par les États-Unis de la ségrégation, rapporte le philosophe et dramaturge guadeloupéen Alain Foix, qui s’était déjà attaché chez Folio aux grands leaders de la cause noire Toussaint Louverture et Martin Luther King.
À l’origine, il y a la passion du sport du plasticien et pionnier de l’art urbain Ernest Pignon-Ernest, 82 ans aujourd’hui : une passion d’enfance révélée un jour à son camarade Pierre-Louis Basse en ouvrant une boîte en fer pleine de vignettes de champions cyclistes et autres footballeurs du temps jadis. De là naquis l’idée de composer un album à la gloire des plus grands athlètes olympiques. La Ruée vers l’or en présente 34, de Jesse Owens à Teddy Riner, plus la dream team américaine de basket de Barcelone 1992 et le discobole symbole des Jeux antiques. En tout, près de 150 dessins crayonnés de noir et de blanc sur fond ocre ou grisé, éclairés des textes de celui qui, dans sa carrière de journaliste et écrivain, n’a eu de cesse de faire le lien entre le sport et les arts. Au panthéon d’Ernest, on retrouve les foulées aériennes de Wilma Rudolph, Colette Besson, Merlene Ottey et Marie-José Pérec, celles plus rageuses de Mimoun et Zátopek, la grâce de Nadia Comăneci, le shoot puissant de Ferenc Puskás, et aussi des gestes mémorables : le poing levé de Tommie Smith, le bras d’honneur de Wladyslaw Kozakiewicz ou la fameuse signature d’Usain Bolt, la troisième figurant ici en couverture. PhB.
Chaque année en juin le Festival du sport autrement est la vitrine des dispositifs sport société de l’Ufolep. Parmi les participants du rassemblement Primo-Sport figuraient Esmatullah et Hassan, jeunes demandeurs d’asile qui pratiquent le multisport avec le comité du Gers.
Esmatullah Nasri, 29 ans, originaire de Kaboul (Afghanistan), et Hassan Saleh, 24 ans, arrivé du Soudan, sont hébergés avec 300 autres primo-arrivants au centre d’accueil de demandeurs d’asile d’Auch. En partenariat avec celui-ci, l’Ufolep du Gers anime le mardi un créneau multisports auquel ont participé cette année 40 personnes et qui réunit en moyenne 10 à 15 participants. Un rendez-vous auquel les deux jeunes gens sont particulièrement assidus.
« J'ai toujours beaucoup aimé l'activité physique, explique Esmatullah. En Afghanistan j’ai fait du foot, du volley et de la musculation, et là depuis septembre je découvre plein de nouveaux sports avec notre coach, Albert. Cette variété me plait beaucoup. Cela enrichit mon expérience sportive et ma vie sociale, en rencontrant des personnes venues d’autres horizons et elles aussi passionnées de sport. Et cela m'apporte beaucoup en termes de santé physique et mentale. »
De son voyage à Paris, Esmatullah retient la découverte de la capitale et l’émulation propre à un rassemblement national. « J’ai l’esprit de compétition et avoir l’occasion de se mesurer à d’autres était une source de motivation qui s’ajoutait au fait de côtoyer des personnes venues d’autres pays. » Surtout à la veille de Jeux olympiques qui l’intéressent beaucoup. « Je suivrai tout particulièrement le rugby, le football, la boxe, l'haltérophilie et la lutte, qui sont très populaires en Afghanistan. Bien sûr, j’aimerais avoir la possibilité d’assister à des épreuves… Mais je suis déjà très heureux d’avoir l’occasion d’aller voir un match de football à Bordeaux avec l’Ufolep ! »
Hassan abonde dans le même sens que son compagnon de jeu pour tout ce que lui apporte cette pratique hebdomadaire sur le plan de la sociabilité et du bien-être. À ceci près qu’il le fait plus facilement en anglais et que lui est vraiment « très foot ». Cela ne l’empêche pas d’avoir lui aussi l’esprit de découverte. « Moi qui ne connaissais rien du rugby, avec l’Ufolep j’ai appris les règles et les bases du jeu, explique-t-il. Et, désormais, j'aime beaucoup ce sport. » Un atout déterminant pour s’acculturer sur les terres d’Antoine Dupont… « Et puis, si un jour je déménage dans un autre pays et que je rencontre des personnes pratiquant un sport que je connais déjà, je ne serai ni surpris, ni perdu. C’est aussi pourquoi j’apprécie la chance de pouvoir rencontrer des personnes différentes et de connaître leur mentalité, leur façon de penser, et de jouer. »
Chaque année en juin le Festival du sport autrement est la vitrine des dispositifs sport société de l’Ufolep. Parmi les participantes du rassemblement « Toutes Sportives » figuraient Marie et Charlène, qui pratiquent le multisport avec le comité de l’Aveyron.
Marie Delbos, 57 ans, participe depuis le début au créneau multisport Toutes Sportives mis en place il y a trois ans à Villefranche-de-Rouergue après celui créé à Rodez, et qui réunit en moyenne chaque vendredi matin une douzaine de pratiquantes, pour un total de 20 licenciés. « J’ai découvert cette possibilité de pratique par l’association Village Douze, dont je côtoie les travailleuses sociales en raison de ma vie compliquée, explique-t-elle. C’était une période où je n’étais pas en forme et j’y ai tout de suite trouvé mon compte : pas de contraintes ni d’obligation de résultat, on est là pour se faire du bien, prendre du bon temps. » « Je souffre de dépression depuis une vingtaine d’années, confie aussi Marie, et il y a dix ans j’ai voulu me reprendre en main en m’inscrivant dans une salle de sport, avec un coach. Ce fut une révélation, cela m’a fait beaucoup de bien. Puis j’ai connu une nouvelle épreuve dans ma vie, et j’ai décroché. Ce créneau avec l’Ufolep m’a permis de reprendre, à mon rythme. Les activités sont différentes aussi : le genre de choses que je n’avais pas pratiquées depuis le collège ! En ce moment, on découvre un sport où on lance un ballon sur un trampoline… Du tchoukball, oui c’est ça ! Eh bien ça me plait beaucoup ! D’ailleurs, avec notre animatrice Yunis, qui est une professionnelle hors pair, on fait du sport sans s’en rendre compte. C’est ludique, on rigole et il y a une belle cohésion de groupe. Nous sommes d’ailleurs plusieurs à nous voir aussi en dehors du cours, pour prendre une tisane ou aller marcher ensemble quand il y a un rayon de soleil ! »
Charlène, 35 ans, fait aussi partie du noyau de fidèles. « Mère célibataire d’une petite fille et sans activité professionnelle, j’étais revenue depuis peu sur Villefranche. J’ai vu une affichette en me rendant à la CAF et au centre social, qui partageaient alors les mêmes locaux », explique-t-elle. Sans jamais avoir été licenciée en club, Charlène est plus sportive que la plupart des autres participantes. Et au-delà de la pratique elle-même, c’est « le côté socialisant » qui l’intéressait, « rencontrer d’autres personnes ». Elle a vite accroché aux activités proposées, et apprécie tout particulièrement « le foobaskill, où sur une moitié du terrain c’est du foot, et sur l’autre du basket ». En quête d’intensité, elle va désormais aussi en salle de sport et a une coach perso une fois par semaine. « Intense », c’est aussi le souvenir qu’elle garde du précédent rassemblement Toutes Sportives, pour le rythme des activités et un emploi du temps qui ménageait aussi des sorties dans Paris. De quoi repartir du bon pied : « À la rentrée, ma fille Luna va entrer en grande section de maternelle. Et moi je compte retrouver un travail. »
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