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Transidentité : Marie-Laëtitia, « le trial pour se vider la tête »

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Marie-Laëtitia, 58 ans, pratique la moto-trial dans un club Ufolep de l’Aude. Elle dit piloter avec la même passion, mais différemment, depuis sa transition.

 

Différente. « Je me sais différente depuis l’âge de 6-7 ans, j’en ai cinquante de plus aujourd’hui. Quand en 2017 j’ai fait part à mon épouse de ma volonté d’entamer une transition, elle m’a demandé d’attendre un an. Puis, pendant celle-ci, j’ai mis ma pratique sportive de côté, car les gens avaient un peu de mal à comprendre. Aujourd’hui, je suis complètement revenue dans le sport, à mon petit niveau. »

Technicité. « J’ai toujours rejeté les sports machos, foot ou rugby, et les disciplines collectives en général, car j’étais renfermé1 sur mon mal-être. Vers 25-30 ans, je me suis tourné vers la moto-trial, dont j’apprécie la technicité, alors que je n’étais pas du tout attiré par la route, le cross ou l’enduro. Adolescent, j’étais motorisé – quasi une obligation quand on habitait la banlieue de Toulouse – et je suis venu au trial par un forum sur internet qui m’a aussi fait connaître mon club. J’ai abordé cette pratique comme un loisir plus qu’une compétition : "Qu’on arrive premier ou dernier, on a quand même sa bouteille de vin", comme on dit chez nous. C’était le plaisir de rencontrer des gens passionnés, de voir de beaux engins, et de se vider la tête l’espace d’une journée. Bien sûr, réaliser un carton avec des zéros – sans faute technique – ajoute du piment, mais ce n’est pas le plus important. Je suis licenciée Ufolep, dans un club à simple affiliation, et je roule principalement en side-car : une catégorie assez marginale où, comme ailleurs, la pratique est mixte, même si les femmes sont rares. »

Élément déclencheur. « J’ai toujours vu dans le suicide une certaine lâcheté envers ceux que l’on aime et qui vous aiment. Quand, submergé par mon mal-être, je me suis senti près de passer à l’acte, je m’en suis ouvert à ma femme, qui m’a conseillé d’aller consulter une psychologue. Il y a ensuite eu la phase d’acceptation, puis mon coming out et ses conséquences. Sans ce profond mal-être qui me menait au suicide, je n’aurais probablement pas passé le cap. »

Acceptation. « Parmi mes proches, mon épouse a compris mon choix, même si c’est très difficile pour elle. Mon garçon n’a eu aucun problème, mais ma fille m’a tourné le dos : je ne connais pas mes petits-enfants. Nous avons aussi perdu presque tous nos amis, ce sont des dommages collatéraux assez douloureux. Au sein du club, cela a été bien accepté, même si certains parlent certainement dans mon dos… La transition du féminin au masculin est, je crois, mieux acceptée, car elle ne touche pas aux codes de la virilité. Dans le sport, et dans la société en général : je le vois pour travailler dans un magasin de carrelage, dans un environnement assez masculin… Président du club, je me suis également mis en retrait dès le début de ma transition. »

Pilotage. « Mes capacités physiques ont beaucoup diminué et, au dire de mon ancien passager, "le pilotage de Marie est plus doux et plus fluide que celui de Didier". Mentalement, la passion est intacte, mais les ressentis différents : je ne vois plus les choses de la même façon. Le côté compétition s’est encore atténué. Au-delà du sport, je suis aujourd’hui moins impulsive, plus cérébrale. Au lieu d’aller au conflit, je réfléchis, discute, parlemente. Avant, je me sentais comme sous une cloche, protégé par l’hormone masculine. »

(1) Dans cet entretien, l’accord masculin a été conservé pour la période précédant la transition de Marie-Laëtitia.


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