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Transidentité : Hélène, heureuse de « posséder enfin une licence féminine »

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À l’issue de sa transition, Hélène, 50 ans, cheffe d’entreprise francilienne et présidente de club, a poursuivi l’an passé sa pratique cycliste compétitive en Ufolep sous sa nouvelle identité de genre.

 

Hélène1, quelle était votre pratique sportive sous votre précédente identité masculine ?

Multiple ! Dès l’enfance, j’ai pratiqué beaucoup de sports : gymnastique, sports alpins, basket, tennis et tennis de table, golf, voile, VTT, athlétisme et courses sur route, boxe… Toujours dans un esprit loisir mais en donnant le meilleur de moi-même, comme dans la vie. J’ai aussi effectué mon service militaire dans les chasseurs alpins, au sein d’une unité d’élite exigeant un excellent niveau physique et sportif.

 

Et le cyclisme ?

Ce goût est venu plus tardivement, il y a une douzaine d’années. Je voulais préparer un marathon en évitant les chocs pour préserver mon dos lors de séances de fractionnés. Je me suis donc achetée2 un vélo, qui ensuite est resté un an au garage, avant de saisir l’occasion de participer à une cyclosportive. Et j’ai adoré l’expérience : les sensations d’aspiration, de vitesse, la coordination au sein du peloton... Je me suis inscrit en club et, après un an de sorties en groupe, j’ai participé à mes premières courses.

 

Avez-vous conservé une pratique sportive pendant votre transition, entamée il y a trois ans ?

Sachant que mes capacités physiques allaient chuter en raison de ma thérapie hormonale – bloqueurs de production de testostérone durant la période où je n’étais pas opérée et prise d’œstrogènes, hormone secrétée par les ovaires – j’avais anticipé en évitant de « marquer des points » l’année précédente, afin de descendre de catégorie. Je suis passée du niveau régional au niveau départemental de la Fédération française de cyclisme, qui correspond à la première catégorie Ufolep. Mais, après 15 minutes j’étais quand même « larguée » par le peloton. Et une fois lâchée, la course est finie. J’ai vécu une saison compliquée.

 

Mais vous avez persisté en 2022-2023…

J’ai obtenu de descendre d’une catégorie supplémentaire en FFC et, par dérogation, de deux catégories en Ufolep. Surtout, à la différence de la FFC, l’Ufolep m’a accordé le changement de licence correspondant à mon nouvel état-civil, officialisé après jugement. Y figurent le prénom et le sexe qui sont désormais les miens. Cependant, même rétrogradée en 3e catégorie, je n’ai pas pu tenir le rythme : je manquais significativement de force… Or je ne fais pas du vélo pour la promenade : je m’entraîne pour l’adrénaline de la course en peloton. Alors, faire de longs trajets en voiture pour tenir à peine dix minutes sur des parcours sans difficultés, c’est décourageant ! Je me donne encore une année, pour voir. Sinon j’arrêterai, et je passerai aussi la main à la tête de mon club.

 

Vous avez en effet créé l’association sportive que vous présidez…

J’appartenais à un gros club de 150 licenciés, et j’ai souhaité en créer un nouveau, où chacun puisse mieux se connaître, en sollicitant des amis. Nous sommes trente licenciés, jusqu’à ce que j’y devienne la première femme ! Et personne n’est parti lorsque, lors de l’AG annuelle, j’ai fait part de ma transition en m’y rendant telle que je me présente aujourd’hui : les uns m’ont apporté leur soutien et les autres n’ont marqué aucune réprobation.

 

Pourquoi s’engager dans cette démarche à 45 ans passés ?

J’y pensais depuis mon adolescence, sans réussir à identifier la source de mon déséquilibre. Il n’y avait pas internet à l’époque, le transsexualisme était considéré comme une maladie psychiatrique et l’on ne parlait pas de transidentité. Puis, avec les années, j’ai cheminé. Mais en créant le club, je n’envisageais pas de passer à l’acte un an plus tard et d’assumer ce choix sur le plan mental, social, administratif et physique.

 

Quelle a été la réaction de vos proches ?

Bienveillante, avec beaucoup de témoignages de soutien dans mon cercle amical, sportif ou professionnel. Moi qui craignais beaucoup ces réactions, je me suis rendu compte que la première personne qui me discriminait, c’était moi-même. Sur le plan intime, je suis séparé de ma deuxième épouse et désormais en couple avec une femme qui a une préférence pour vivre avec une autre femme, et qui participe beaucoup à mon équilibre. Mes enfants – deux grands fils et une fille de 9 ans – se sont adaptés à la situation, même si cela a été plus long et difficile pour les deux aînés. Il faut souvent du temps pour les familles, il convient de l’accepter avec tolérance, d’autant plus que j’ai mis moi-même trente ans à m’accepter.

 

Êtes-vous anonyme dans le peloton ?

Plus ou moins. Il faut savoir qu’en Ufolep, à part les championnats – départementaux, régionaux ou nationaux –, les courses sont mixtes mais le peloton essentiellement masculin : sur 60 ou 70 concurrents, il y a rarement plus de deux ou trois féminines. Ayant écumé les pelotons et fait l’objet de quelques articles de presse pour mes résultats passés, il arrive que des personnes m’ayant connu à cette époque me reconnaissent. Parfois, je suis aussi allée me présenter. D’autres connaissent mon parcours de transition et m’identifient. Mais je n’aspire pas à être identifiée comme une femme transgenre. Je souhaite au contraire être la plus invisible possible, au sens de la normalité. Donc plus je suis anonyme, mieux je me sens.

 

Souhaiteriez-vous participer à un National Ufolep ?

Oui, car mon vœu le plus cher est de participer à des courses 100 % féminines. Aujourd’hui, dans un peloton de garçons je suis aussi mal à l’aise que si on me demandait désormais d’utiliser des toilettes masculines. Donc oui, j’aimerais participer à des courses au sein de la communauté des femmes, mais sans leur porter une concurrence susceptible d’inciter l’Ufolep à faire marche arrière après m’avoir accordé une licence féminine. Femme transgenre, je suis ravie d’être autorisée à concourir, mais je ne me sens pas autorisée à gagner.

 

Vous sentez-vous concernée par les polémiques concernant la participation des athlètes transgenres aux compétitions ?

Oui, cela m’interpelle. À mes yeux, le préalable est la défense du sport féminin. C’est ce que je revendique, et mes propres souhaits de femme transgenre passent après. Une fois cela posé, je suis dépitée par le bannissement des compétitions des femmes transgenres (au sens de personnes ayant effectué une transition, à distinguer de celles se considérant genderfluid ou non binaire et n’étant pas sous thérapie), sans que leur avantage physique supposé soit prouvé. En cyclisme, l’UCI a décidé en juillet 2023 de les écarter de toutes ses compétitions, alors même qu’elle avait édicté un an plus tôt une législation exigeant un taux de testostérone extrêmement bas (moins de 2,5 nanomoles par litre de sang), et justifié sur deux ans. Après la course remportée en mars par l’Américaine Austin Killips, l’UCI a argué d’un doute sur un possible avantage physiologique.

 

Pour vous, c’est discriminant…

Je sais que pour le grand public, toutes les femmes transgenres sont considérées comme ayant conservé les capacités d’un homme. Or je suis bien placée pour savoir que non : la puissance de 300 watts que je développais sur 1 h 30, je la tiens à présent sur 10 minutes à peine, et je suis incapable d’enchaîner plusieurs sprints. Ma masse graisseuse a augmenté de 15% et, après avoir été sous thérapie hormonale, depuis ma vaginoplastie je ne produits plus de testostérone.

J’ajoute que le règlement de l’UCI est destiné aux athlètes concourant à un niveau international. Les fédérations nationales peuvent retenir des critères moins stricts, mais la FFC a décidé de s’aligner sur le règlement de l’UCI, que l’on soit une professionnelle ou une cycliste engagée dans la catégorie la plus faible des courses loisirs. Je suis donc reconnaissante vis-à-vis de l’Ufolep d’avoir accepté ma demande de changement de licence, et d’avoir allégé ma souffrance de devoir conserver une licence avec mon ancien prénom et mon ancien genre, qui n’existent plus. Propos recueillis par Ph.B.

 

(1) Le prénom a été modifié.

(2) À la demande d’Hélène, l’accord féminin s’applique ici pour l’ensemble de l’entretien.

 

« Aujourd’hui, je me comporte différemment à vélo »

« Moi qui avais la réputation de posséder un pilotage offensif, depuis ma transition j’éprouve une peur nouvelle quand j’engage un virage. Auparavant, c’était plus fluide, je ne me posais pas de questions, j’engageais. J’y vois le signe flagrant que ma transition est aussi psychologique : je ne roule plus comme avant, et cela creuse davantage encore l’écart avec les hommes. En revanche, dans le peloton cycliste les femmes sont d’une efficacité redoutable et extrêmement concentrées : elles produisent moins d’à-coups nerveux et agressifs, leur prise de risque est moindre. Je les trouve aussi particulièrement élégantes dans l’effort. »

 

 

« Créer une catégorie transgenre est une aberration »

« La proposition de l’UCI de créer une troisième catégorie, transgenre, est pour moi une aberration ! On intègre qui ? À la fois des personnes binaires et non binaires, sous thérapie hormonale ou non, opérées ou pas, qui se sentent homme ou femme, ni homme ni femme… Cette catégorie fourre-tout n’aurait aucun sens et concernerait un nombre de personnes ridiculement réduit. Le pire, c’est que ce nouveau règlement dit accepter les personnes transgenres n’ayant pas traversé leur puberté. Or on sait avec le recul que cela peut s’avérer une catastrophe médicale d’engager des mineurs dans un parcours hormonal – chirurgical on n’en parle pas, c’est interdit. La plupart des pays pionniers ont fait marche arrière. C’est là une monstruosité éthique, car il est très dangereux de répondre trop vite au désir d’un enfant ou d’un adolescent à la recherche d’une expression de genre ou de sexualité. C’est aussi une manière particulièrement hypocrite de s’afficher inclusif, alors qu’en réalité c’est tout le contraire ! »


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