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Interview : François Cormier-Bouligeon, poisson-pilote de la loi « sport et société »

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Président du groupe d’études sur le sport de l’Assemblée nationale, le député LREM du Cher a déposé en septembre une proposition de loi qui veut contribuer au projet gouvernemental annoncé pour 2020. Il propose d’accorder une délégation de service public aux fédérations de sport pour tous.

François Cormier-Bouligeon, d’où vient votre intérêt pour les questions sportives ?

De loin ! Je suis un passionné de sport depuis mon enfance, comme pratiquant et comme spectateur. Comme beaucoup, j’ai levé le pied pendant mes études et au début de ma vie professionnelle, avant de reprendre en entrant dans la trentaine.

Quel rôle assignez-vous au sport dans la société d’aujourd’hui ?

Le sport permet de construire son corps « physique », de construire sa personnalité et de se forger un mental – ce qui est utile dans la vie personnelle et professionnelle –, mais aussi de construire le corps sociétal : apprendre à faire société, dès le plus jeune âge. Mon fils de 4 ans fréquente par exemple les tatamis : eh bien, les sept valeurs du judo affichées à l’entrée du dojo, j’espère qu’il les respectera toute sa vie ! Et ma fille de 12 ans pratique l’aviron, après avoir testé plusieurs autres sports : non seulement elle est excellente, mais en plus elle « s’éclate » avec ses équipiers. Dans un pays où l’identité villageoise a beaucoup diminué, où les rapports sont devenus plus impersonnels, l’école et le club sportif sont les deux principaux endroits où l’on forge encore du « commun ».

L’activité sportive est aussi une réponse aux enjeux de santé. Les dépenses de santé ne cessent d’augmenter en France, et si l’espérance de vie continue de progresser (85,4 ans pour les femmes, 79,5 ans pour les hommes), l’autonomie ne suit pas. Par tradition, la médecine en France favorise plutôt les traitements curatifs médicamenteux. Mais les maladies que l’on guérit le mieux sont celles que l’on n’attrape pas. Et le sport-médicament, ou « spordicament », cela fonctionne ! Faisons de l’activité physique et sportive un levier de prévention efficace et un outil de maintien de l’autonomie.

Vous avez déposé en début septembre, avec une centaine d’autres parlementaires, une proposition de loi « visant à faire de la France une nation sportive ». Mais qu’est-ce qu’une nation sportive pour vous : un pays qui décroche des médailles, ou dont les citoyens pratiquent régulièrement ?

Renaud Lavillenie qui bat le record du monde de Sergueï Bubka ou qui devient champion olympique de saut à la perche, c’est formidable ! Mais je suis autant ému quand, grâce à l’activité physique adaptée, une pensionnaire d’Ehpad regagne une autonomie debout de dix minutes et retrouve la dignité de pouvoir faire sa toilette toute seule. Je veux que les Français soient les « champions » de leur propre existence. Et je pense à ces trentenaires ou quarantenaires qui décident de se remettre au sport, commencent par courir vingt minutes le dimanche, puis allongent la distance et l’allure : ils réussissent un sacré challenge eux aussi ! Une nation sportive est une nation où jeunes, adultes et seniors pratiquent une activité physique régulière, à leur niveau, en se faisant du bien, en se faisant plaisir.

Votre texte traduit-il en articles de loi les 50 mesures préconisées par votre rapport remis en mars au premier ministre ?

Oui, et pas seulement. Tout d’abord, cette proposition de loi répond à l’objectif que nous nous étions fixés en préparant le projet présidentiel sur le sport en 2016. Elle est ensuite inspirée par des échanges avec le gouvernement, comme par exemple le rapport sur « le sport pour tous tout au long de la vie » que ma collègue sénatrice Françoise Gatel et moi avons remis, à sa demande, au Premier ministre. Elle est enfin le fruit de travaux parlementaires, et notamment des quatre colloques organisés en 2018 et 2019 avec mes collègues députés Cédric Roussel et Belkhir Belhaddad à l’occasion du « Parlement du Sport » que nous avons créé pour faire dialoguer sur différents thèmes plusieurs centaines d’acteurs de tous horizons : sportifs, dirigeants, médecins, universitaires, économistes et parlementaires. De ces heures d’échange et de concertation sont ressorties des dizaines de propositions, affinées à travers une grande consultation par internet. Les 18 articles de notre proposition de loi procèdent de tout cela à la fois.

Faut-il la considérer comme un « ballon d’essai » de la loi « sport et société » annoncée pour 2020 ?

C’est un outil de co-construction de la grande loi « sport et société » que j’appelle de mes vœux. Nous apportons notre pierre à l’édifice. L’exécutif en fera de même. Nous souhaitons qu’il y ait un échange, respectueux et fructueux, avec le gouvernement.

En matière de gouvernance, vous proposez dans votre article 8 d’accorder une délégation de service public aux fédérations du sport pour tous, reprenant en cela la formulation d’un texte défendu par l’Ufolep1

Cette proposition de loi est aussi une façon d’ouvrir le débat sur l’organisation du sport héritée des années 1960 : non pour casser le modèle, mais pour le consolider en le perfectionnant. Le débat doit notamment s’ouvrir entre les fédérations olympiques unisport et celles qui se consacrent au sport pour tous, et souhaitent obtenir elles aussi la reconnaissance d’une délégation de service public. Voyons comment introduire davantage d’égalité, en améliorant la situation des uns sans rien retirer aux autres. Les différents articles qui figurent dans la proposition de loi ne doivent fragiliser personne. Et ce ne doit pas être « fromage ou dessert » : l’activité normée à but compétitif est essentielle, mais l’activité physique pratiquée avec des règles innovantes, de façon adaptée, dans les quartiers, l’est également. Il y a de la place pour tout le monde !

Surtout lorsque l’on sait que la moitié des femmes n’ont pas d’activité sportive…

Et que la moitié des pratiquants ne sont plus en club ! C’est très bien, la pratique libre, je ne cherche pas à la décourager. Mais, en club, on découvre l’autre et on apprend à respecter des règles, c’est encore mieux. Chacune et chacun doit pouvoir trouver sa place dans une association, s’il le souhaite. On peut être à la fois un licencié de la FFF, un adepte de la course à pied libre et un pratiquant estival de sports de montagne. Tout comme on peut évoluer dans sa pratique au cours de son existence.

Plus précisément, comment envisagez-vous le rôle des fédérations multisports comme l’Ufolep ?

Vous apportez de l’innovation et de la modernité en allant notamment vers des publics éloignés de la pratique sportive et en forgeant ainsi ce lien social dont notre société a besoin. Vous portez des valeurs humanistes et êtes engagés dans le sport santé, sans en avoir bien évidemment le monopole. Et, derrière cet enjeu de santé, il y a aussi celui de bâtir des métiers et de faire le lien entre les éducateurs sportifs et les professionnels de santé. Il faut en particulier structurer une filière sport santé pour offrir des déboucher aux étudiants en Staps. Les fédérations multisports comme la vôtre peuvent nous y aider.

Propos recueillis par Philippe Brenot et Arnaud Jean

(1) Extrait : « Les fédérations sportives agréées, exerçant à titre principal une mission d’intérêt civique, d’insertion et de santé à travers la diversification des pratiques et l’accessibilité aux activités physiques et sportives mutidisciplinaires, peuvent recevoir délégation du ministre en charge des sports. » Cette proposition de loi était portée par le député (ex-LREM) Sébastien Nadot. Voir En Jeu Ufolep n°34, décembre 2018.


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