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Franck Chaulet : « La convention Ufolep-PJJ est déclinée sur tout le territoire »

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La convention de 2009 va être renouvelée, avec un accès renforcé des mineurs placés sous main de justice aux événements et dispositifs de l’Ufolep, explique le directeur adjoint de la Protection judiciaire de la jeunesse

 

Franck Chaulet, quelle place le sport occupe-t-il dans l’accompagnement des 137 000 jeunes suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse ?

Le sport fait partie de l’ADN de la PJJ car il est vecteur d’inclusion et d’insertion sociale. Ces mineurs, souvent désocialisés et avec de multiples difficultés, doivent pouvoir s’insérer dans la société afin de devenir des citoyens ordinaires. Le sport permet d’apprendre la vie en collectif, la solidarité. C’est aussi un moyen de valoriser ces jeunes qui ont souvent une image dégradée d’eux-mêmes, souvent inversement proportionnelle à leur comportement. Le sport permet de leur montrer ce dont ils sont capables, physiquement et sur le plan du mental et de l’esprit. Sa pratique est également directement corrélée avec la santé et la prévention des addictions. La PJJ porte une politique très active autour de la santé intitulée « PJJ promotrice de santé ».  

 

La première convention entre la PJJ et l’Ufolep date de 2009. Quel bilan en tirez-vous ?

Un bilan très positif, sinon nous ne la renouvellerions pas ! Cette convention nationale est aujourd’hui déclinée dans toutes les directions inter-régionales et la plupart des directions territoriales, qui recouvrent un ou plusieurs départements. Ce partenariat a su évoluer pour répondre à l’évolution des publics. Car si statistiquement la délinquance des mineurs baisse – même si la médiatisation d’évènement violents ne donne pas toujours cette impression à l’opinion publique –, la situation des jeunes pris en charge est devenue plus complexe, avec des problèmes de santé et d’alimentation, psychologiques et d’addiction : addiction aux stupéfiants, à la pornographie et aux écrans, avec un fort impact des réseaux sociaux. Cette délinquance est aussi souvent plus violente, ce qui exige davantage un accompagnement accru.

 

Concrètement, comment ce partenariat se décline-t-il ?

L’Ufolep participe à l’organisation de nos manifestations sportives nationales, sortes d’olympiades auxquelles les jeunes se préparent avec leurs éducateurs. Elle les intègre aussi à ses évènementiels, comme UfoStreet. S’y ajoutent des séjours sportifs et des stages citoyens co-construits par les deux réseaux. Chaque année, plus de 1 000 jeunes placés sous main de justice bénéficient de ce partenariat, à travers 200 actions. Autre aspect de cette mise en réseau, chaque année, une cinquantaine de cadres de la PJJ bénéficient de formations animées par l’Ufolep sur l’utilisation du sport comme outil éducatif. Car tous nos professionnels ne sont pas formés à l’accompagnement par le sport, ou n’ont pas d’appétence particulière pour celui-ci.

 

Quels ajustements souhaitez-vous apporter à la nouvelle convention ?

Sans en changer l’esprit, il est utile de l’élargir et de préciser certains points, notamment pour favoriser l’accès des jeunes aux compétitions et évènementiels de l’Ufolep et ouvrir davantage les établissements à ses dispositifs et aux structures qui lui sont affiliées. En résumé, s’ouvrir toutes les portes possibles et mailler mieux encore le territoire. Car si la PJJ est présente partout en France, les plus petites structures sont parfois éloignées des bassins de vie et des réseaux et ne connaissent pas toujours les interlocuteurs à solliciter. Nous souhaitons également développer des projets éducatifs véritablement construits autour du sport.

Autre point important, l’insertion professionnelle : nous souhaitons orienter un certain nombre de jeunes vers les métiers du sport, en nous appuyant sur le service civique et le dispositif Sésame1. Il nous faut aller plus loin en ce domaine, et de manière plus générale en matière d’éducation à la citoyenneté.

 

Justement, en matière d’insertion professionnelle, l’Ufolep a développé des « parcours coordonnés » qui ouvrent sur les métiers du sport et de l’animation : est-ce un axe de développement pour la PJJ ?

Bien sûr, car au-delà de la pratique sportive, l’enjeu central est bien celui de l’insertion. Ça ne sert à rien de prendre en charge des mineurs pendant six mois ou un an si l’on ne vise pas cet objectif global d’insertion sociale et aussi professionnelle, selon leur âge. Il faut pouvoir entrer dans tous les dispositifs destinés à la jeunesse en difficulté ou à celle des quartiers, y compris le Service national universel (SNU) ou les Journées Défense et Citoyenneté (JDC). Or les mineurs accompagnés par la PJJ en sont parfois exclus, alors que ces jeunes en conflit avec loi y ont droit au même titre que toute autre personne de leur âge. Et si nous n’actionnons pas ces réseaux pour eux, ces « gamins » souvent hors de tout circuit ne feront pas la démarche. C’est pourquoi nous avons lancé avec l’Agence nationale du service civique un appel à projets pour proposer des parcours d’engagement adaptés à ce public, avec une mission d’intérêt général débutant d’ici fin 2022 et un tutorat renforcé au regard de la difficulté de ces jeunes à se projeter et à s’inscrire sur le long terme. L’Ufolep et la Ligue de l’enseignement ont répondu à cet appel à projet qui, dans un premier temps, concerne 150 jeunes.

 

La prévention des phénomènes de bandes fait-elle partie de votre domaine d’action ?

Oui. Ces phénomènes de bandes sont aussi souvent liés à l’impact des réseaux sociaux, que j’évoquais précédemment et qui contribuent à alimenter et cristalliser les rivalités. La PJJ est partie prenante du « plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes et aux groupes informels » élaboré en juin 2021. Et la pratique sportive, en particulier l’expérience du collectif, contribue à cette prévention. Au-delà de l’action éducative elle-même, c’est aussi l’occasion de consolider des partenariats avec les maisons de quartier et les autres structures locales sur ces questions.

 

La collaboration entre les professionnels de la PJJ et les éducateurs sportifs de l’Ufolep fonctionne-t-elle bien sur le terrain ?

Oui, dès lors que chacun est bien dans son rôle. Il ne faut pas mélanger les genres, et c’est bien l’éducateur de la PJJ qui assure l’accompagnement éducatif du jeune. Mais il doit travailler en binôme avec les intervenants spécialisés dans leur domaine, et auxquels nous faisons appel pour leurs compétences propres, comme les enseignants de l’Éducation nationale (pour les centres éducatifs fermés) et les éducateurs sportifs. Cet apport extérieur répond aussi à l’une de nos fragilités : parfois, nos projets et actions sportifs dépendent trop de la personnalité et des appétences d’un professionnel. Lorsque celui-ci est muté ailleurs ou se tourne vers un autre projet professionnel, le risque est que tout s’arrête. Or ce travail en binôme, plus structuré, permet d’inscrire ces projets éducatifs autour du sport sur la durée, au-delà d’éventuels changements de personnel.

 

Dernière question : l’été dernier, une polémique est née autour de l’organisation à la prison de Fresnes d’épreuves sportives inspirées de l’émission de TF1, « Koh-Lanta ». Craignez-vous une confusion avec les actions menées par la PJJ ?

Il n’y a pas de mineurs détenus à Fresnes. Les mineurs suivis par la PJJ le sont principalement en milieu ouvert, placés dans des foyers, en famille d’accueil… Je crois aussi que l’opinion publique a tout à fait intégré le fait que la PJJ est un service éducatif, au sein duquel l’activité physique et sportive est présente au même titre qu’en milieu scolaire, avec des objectifs de développement personnel et d’éducation à la citoyenneté. C’est pourquoi, fort heureusement, les évènements sportifs que nous organisons n’ont jamais suscité de telles polémiques.

Propos recueillis par Philippe Brenot

(1) Sésame : Sésame vers l’Emploi pour le Sport et l’Animation dans les Métiers de l’Encadrement. 


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