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Enseignes, clubs et salles de sport : Virgile Caillet, la reprise sous quelles conditions ?

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Délégué général de l’Union Sport & Cycle et porte-parole des entreprises du sport, Virgile Caillet fait le point sur les ventes de matériel en période de pandémie et voit dans le pass sanitaire un passage obligé pour relancer la pratique en club.

Virgile Caillet, quels produits sportifs les Français ont-ils acheté ces derniers mois, dans un contexte de pratique durablement empêchée ?

Des produits permettant une pratique individuelle dans le contexte sanitaire : fitness, running ou cyclisme. Les ventes ont progressé dans d’énormes proportions, grâce notamment la vente à distance. Et, par un effet tout aussi mécanique, la fermeture des lieux de pratique et l’interruption des compétitions ont provoqué une chute brutale parmi les sports de raquette et les sports collectifs. Plus de raquettes, balles, cordages, ni de ballons et de crampons ! Ce fut donc une catastrophe pour les secteurs où les pratiques étaient entravées et un formidable développement pour les activités « d’entretien de la forme ». On a vendu beaucoup de petit matériel (tapis, cordes à sauter, medicine balls) et aussi des produits plus « lourds », comme les home traineurs vélo lorsque la pratique sportive n’était autorisée que dans un rayon d’un kilomètre autour de chez soi. Ce qui est encourageant est qu’on a assisté à l’arrivée d’une nouvelle population de pratiquants, principalement parmi les plus de 40 ans. L’un des enjeux à la sortie de crise sera de les conserver dans la pratique sportive.

Comment l’engouement des Français pour le vélo s’est-il traduit dans leurs achats ?

Le vélo est un marché particulier qui a bénéficié du « coup de pouce » gouvernemental de 50 € pour remettre en état ceux qui dormaient dans les garages – deux millions de Français en ont profité – et du développement des coronapistes. Le vélo est également devenu un symbole de la distanciation physique et se rendre à son travail en pédalant est désormais socialement accepté. Du côté du matériel neuf, on a surtout vendu des vélos de mobilité, et notamment à assistance électrique, pour un usage quotidien. On a dépassé les 550 000 unités de VAE en 2020, ce qui en valeur représente déjà 50% d’un marché de 2,7 millions de vélos neufs.

On a pourtant parlé de pénurie, de retards de fourniture et des hésitations de l’équipementier japonais Shimano à construire une nouvelle usine pour répondre à une demande dont il craignait qu’elle soit conjoncturelle1. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Il y a toujours une grande tension sur les composants (freins, dérailleurs…), à la suite d’une conjonction de facteurs. La production a tout d’abord été ralentie par des mouvements sociaux chez les dockers puis les mesures de confinement, tandis que la demande explosait à partir de mai 2020. À cet effet ciseaux s’est ajouté la difficulté de se procurer des matières premières et le coût accru du fret maritime.

Est-on revenu à la normale ?

Non, même si cela s’améliore. Cela explique cette situation inédite : tous les vélos livrés sont déjà vendus, il n’y a aujourd’hui quasiment plus de stocks !

Le dossier qui vous a mobilisé cet été est celui du pass sanitaire, qui dès fin juillet a concerné les salles de remise en forme ainsi que les gymnases, dojos et autres équipements sportifs indoor. Ce pass est-il la solution ?

Il est indispensable. Et soyons pragmatiques : on repart sur une quatrième vague qui s’annonce pire que les précédentes et, face à elle, on dispose d’une arme efficace, le vaccin. C’est un passage obligatoire pour atteindre l’immunité collective.

Et le masque de pratique dont on parlait au printemps ?

Les industriels ont beaucoup travaillé sur celui-ci, pour rien. Le reproche fait aux lieux de pratique sportive et motivant leur fermeture était qu’on n’y portait pas de masque. À la demande du ministère des Sports, très moteur sur ce dossier, les fabricants ont réfléchi à un masque permettant la filtration de l’air tout en conservant la respirabilité. Une dizaine d’industriels ont obtenu des résultats probants avec différents types de masques respectant les spécifications de l’Afnor. Mais, estimant qu’il y avait un risque pour les personnes, le ministère de la Santé n’a jamais validé le port d’un masque pour la pratique sportive.

Les responsables associatifs craignent que leurs licenciés ne retrouvent pas le chemin des clubs et se tournent durablement vers des pratiques autonomes : partagez-vous leur inquiétude ?

Sur la durée, il y aura toujours des gens dans les lieux de convivialité que sont les clubs et les salles de sport. Cette convivialité, la pratique individuelle ne le permet pas. Et tant mieux si davantage de Français pratiquent seuls, un jour on les retrouvera eux aussi ! En revanche, ce qu’il faut entendre et accepter, c’est la diversification et l’« hybridation » de l’offre de pratique. Les Français ne sont plus les sportifs d’une seule discipline. Aujourd’hui, ils en pratiquent plutôt trois : par exemple du tennis de façon régulière, du ski l’hiver, et du running ou du vélo. Il y a là un vrai sujet pour les clubs : comment s’adapter à cette diversification ? 

Durant les périodes de confinement ou de restriction de pratique, certaines associations ont conservé le lien avec leurs adhérents en proposant des programmes d’activité physique avec les outils numériques…

L’hybridation que j’évoque passe en effet aussi par le digital, à côté de l’offre de pratique en « présentiel ». Se pose alors la question de la capacité des clubs à proposer cette offre, voire à la monétiser. Pour autant, l’offre digitale reste un complément et ne remplacera jamais la pratique en club et dans les salles.

Les collectivités locales sont-elles aujourd’hui plus enclines à proposer des équipements de plein air en libre accès ?

Oui, c’est tout à fait notable. Très à l’écoute des aspirations des citoyens, les collectivités territoriales sont en pleine réflexion concernant les équipements sportifs de proximité, notamment de plein air. Là aussi réside une opportunité pour les clubs sportifs : pourquoi leurs éducateurs ne se rendraient-ils pas sur ces équipements pour guider ces pratiquants autonomes et leur donner envie de pratiquer aussi dans une structure associative ?

De leur côté, les Français sont-ils également désormais sensibles aux préoccupations écologiques dans leurs achats, leur pratique sportive et leurs déplacements liés à celle-ci ?

Vous pointez là le concept de « green gap », ou « fossé vert », qui traduit les contradictions entre le souhait de s’inscrire dans une logique de transition écologique (circuits court, relocalisation de la production) et la difficulté du passage à l’acte. Le caractère plus écologique d’un produit n’est pas encore un argument de vente décisif, mais ce peut être un contre-argument. Je m’explique : on ne va pas acheter un produit pour cette raison, mais on pourrait s’abstenir de l’acheter pour celle-ci.

C’est une question de coût ?

Pas forcément. Les produits sportifs sont un marché d’émotion, d’affect, de passion, et en cela représentatif d’une société qui reste celle de la satisfaction immédiate. Par exemple, en dépit d’une certaine prise de conscience de l’impact de la surconsommation sportive sur l’environnement, un fan du PSG achètera le nouveau maillot de son équipe ou sera tenté de le faire. Idem pour l’achat du vélo ou des chaussures de running dont on rêve. C’est cela le « green gap » : par souci de frugalité, on pourrait ne pas racheter une nouvelle tenue, mais on craque quand même… Cela va basculer, mais on n’y est pas encore.

Propos recueillis par Philippe Brenot

(1) « Vélo : le japonais Shimano ne tient pas le rythme », dans Le Monde du 1er juin 2021.


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