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La transition écologique, un défi sportif

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Les effets du réchauffement climatique sur le déroulement du Tour de France, des grands tournois de tennis ou des Jeux olympiques convaincront-il les acteurs sportifs de s’engager franchement vers la transition écologique ?

Parce qu’ils se déroulent en plein air et sont tributaires des aléas naturels, les événements sportifs sont devenus le meilleur baromètre du réchauffement climatique. Rattrapés par la fumée des incendies qui ont ravagé l’Australie, les internationaux de tennis de Melbourne en sont l’un des derniers exemples en date frappant. La Slovène Dalila Jakupovic a été contrainte à l’abandon au premier jour des qualifications en raison de difficultés respiratoires, tandis que d’autres engagés utilisaient de la Ventoline au changement de côté et qu’un ramasseur de balles était victime d’un malaise. Ce 14 janvier, avant l’arrivée de pluies salvatrices, l’atmosphère sur les courts était dix fois plus polluée que dans le Paris des grèves, et les autorités municipales conseillaient de rester confiné chez soi…

En venant conforter le consensus scientifique avec des images frappantes et très largement partagées, l’actualité sportive amènera-t-elle les climatosceptiques à regarder enfin la réalité en face ? Car les symptômes s’accumulent. Au Japon, cet automne, plusieurs matches de la Coupe du monde de rugby ont été reportés, ou annulés, pour cause de typhons. Fin septembre, le championnat du monde cycliste a été raccourci en raison des pluies diluviennes ayant transformé les routes du Yorkshire en rivières. L’été dernier, le Tour de France lui-même n’a pu gagner la station de Tignes pour l’arrivée au sommet la plus attendue : à la suite d’orages d’une rare intensité, la route était coupée par des coulées de boue. Du jamais vu, appelé toutefois à se reproduire de plus en plus souvent.

Adaptations et contradictions

Les manifestations sportives s’adaptent déjà. L’été prochain, par anticipation de la canicule, le départ du marathon des Jeux olympiques de Tokyo sera donné avant l’aube. La ministre japonaise chargée de leur organisation suggère d’ailleurs de déplacer à l’avenir les J.O. de l’été à l’automne.

En football, on s’est habitué aux pauses fraîcheurs pendant les matches, et si les skieurs, nordiques ou alpins, glissent encore sur un ruban blanc artificiellement entretenue, les épreuves se déroulent plus fréquemment sous la pluie que sous les flocons, et au-delà des pistes la terre est souvent apparente. Les adeptes des sports de montagne s’adaptent également au recul des glaciers, à une neige souvent plus instable et à des parois qui s’effritent.

Autres conséquences : cuite par le soleil, l’herbe des courts de Wimbledon tient moins longtemps ; victimes des modifications de marée, de nombreux spots de surf pourraient prochainement disparaître ; rongés par l’érosion et la montée des eaux, les parcours de golf aménagés près des côtes sont menacés.

Le sport de haut niveau est au cœur de toutes les contradictions, de toutes les aberrations, à l’image des stades réfrigérés qui accueilleront les rencontres du Mondial de football 2022 au Qatar, après une expérimentation menée lors des derniers Mondiaux d’athlétisme à Doha. Si au moins cela pouvait rester du domaine de l’exception… Et quel sens cela a-t-il de d’organiser encore des rallyes automobiles, des Grand Prix moto et des épreuves de Formule 1 ? Et de faire se déplacer des milliers de supporters en avion pour assister à des finales délocalisées à l’autre bout du monde ?

Que penser aussi de l’envers de la carte postale du Tour de France, qui mobilise des centaines de voitures suiveuses et plusieurs hélicoptères pour diffuser les images de sportifs progressant à la force du mollet dans les plus beaux sites naturels, lesquels pâtissent en outre des dégradations d’un public avide des gadgets distribués par la caravane publicitaire ? Ou de celle du faussement immaculé « cirque blanc », qui court tout l’hiver d’une station de ski à une autre ? Prisonnier d’intérêts financiers exponentiels, le sport spectacle peut-il s’amender ? Pour l’heure, c’est plutôt : the show must go on.

Responsabilité sociétale

S’adapter, l’industrie sportive y est toutefois contrainte aujourd’hui. En octobre, l’Union Sport & Cycle, incarnation de la filière sport en France, introduisait en ces termes un colloque professionnel sur la transition écologique : « Les réponses nécessaires face au dérèglement climatique et la pollution de l’air, des sols et des mers vont considérablement impacter la vie des entreprises. » Objet des débats : s’adapter à la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, aux exigences de performance énergétique des équipements sportifs, et au projet de loi d’orientation des mobilités. Sur le mode « contraintes et opportunités », il a été questions de non-destruction des invendus, de réduction des plastiques, d’indice de réparabilité, de qualité environnementale et de disponibilité des pièces détachées.

La responsabilité sociétale des organisations (RSO3) et des entreprises (RSE) était à ce propos l’une des orientations de la Stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable du sport 2015-2020, conjointement initiée par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie – selon la dénomination du moment. C’était l’année de la Conférence climat de Paris, cette COP21 de tous les espoirs… Depuis, alors même que la situation s’est considérablement dégradée, l’élan semble être un peu retombé. On parle moins du Bilan Carbone des fédérations et l’application Optimouv (www.optimouv.net), conçue pour rationaliser les championnats amateurs en réduisant les déplacements et, partant, les émissions de gaz à effet de serre, mériterait d’être davantage utilisée. En matière de réunions fédérales, le nouveau découpage en quinze grandes régions n’a pas non plus arrangé les choses…

Cette stratégie 2015-2020 prévoyait notamment de « sensibiliser chaque acteur du sport sur sa responsabilité dans le développement durable ». Il était aussi question d’« encourager les comportements exemplaires » et de faire des sportifs des « ambassadeurs de la cohésion sociale et de la protection de l’environnement ».

L’exemple du terrain

Certes, la formulation fait un peu novlangue, ou langue de bois. Mais que faire d’autre, à l’échelle du simple pratiquant et de l’association locale, sinon favoriser le covoiturage et le train plutôt que l’avion pour les déplacements ? Ou réfléchir à deux fois avant d’acheter un survêtement et des baskets neufs, peser l’utilité d’un nouvel équipement, et tendre vers le zéro déchet sur ses manifestations. Cela vaut également pour les comités et fédérations, dans leur fonctionnement quotidien comme dans leurs événementiels et autres rassemblements : cette réunion est-elle bien utile, ces goodies indispensables et bien choisis, ces cadeaux écoresponsables ?

Dans le sport, la transition écologique viendra davantage du terrain que de haut niveau.

Philippe Brenot


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