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Sylvie Banoun, comment prendre la roue du Plan vélo ?

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Que retenir du plan annoncé en septembre par le Premier ministre ? Comment l’Ufolep peut-elle y contribuer ? L’analyse de Sylvie Banoun, coordinatrice interministérielle pour le développement de la marche et l’usage du vélo.

Sylvie Banoun, quelle a été votre contribution au Plan vélo et mobilités actives ?

Ce plan est constitué d’éléments que j’ai proposés, parmi tous ceux que j’ai pu travailler avec différents cercles. Il est aussi le fruit d’une conjonction bienvenue, avec des associations engagées et une ministre convaincue de l’enjeu.

Faut-il être militante, convaincue de la cause du vélo, pour la faire avancer ?

Militante, non, au contraire : il faut être capable de faire dialoguer des acteurs, ministériels notamment, qui ne se parlent pas habituellement, afin de dégager des consensus. Cependant, à titre personnel, je ne saurais m’investir dans un dossier auquel je ne crois pas. En l’espèce, c’est très facile : outre l’enjeu environnemental, il s’agit de réduire les inégalités sociales et de santé, de redonner aux gens des capacités d’autonomie, d’améliorer le vivre-ensemble. Le vélo peut aider à trouver un travail et favorise la vie sociale. Mais cela suppose un contexte favorable, avec un urbanisme qui facilite les déplacements de courte distance : une ville agréable à vivre, où les commerces ne sont pas vacants. Encourager la marche et le vélo n’a de sens que dans un système cohérent. C’est pourquoi ce Plan vélo-mobilités actives repose sur 4 axes complémentaires : le développement d’aménagements cyclables, pour plus de sécurité ; la sûreté, en luttant contre le vol ; l’incitation, avec le forfait mobilité ; et enfin le développement d’une culture vélo dans la population, avec la généralisation de l’apprentissage précoce du déplacement à vélo pour les jeunes élèves.

À quoi sert un Plan vélo ?

À rendre visible. Dans l’aide à l’achat pour un vélo à assistance électrique, qui avait été mise en place par un gouvernement précédent, l’important était moins les 200 € accordés par l’État que la visibilité de la mesure, même si les ventes ont spectaculairement grimpé de 130 000 à 260 000 VAE en un an. Idem pour l’indemnité kilométrique, qui met en évidence l’intérêt de se rendre à son travail à vélo. En 2020, le forfait mobilité durable sera généralisé dans la fonction publique d’État à hauteur de 200 € par an : une façon de montrer l’exemple, et d’affirmer que c’est rentable puisque l’État le fait pour ses agents.

Pourquoi ce plan a-t-il plus d’écho que les précédents ?

La visibilité naît de l’attente : celle exprimée dans une tribune par plus de 200 parlementaires de tous bords, ou par le baromètre des villes cyclables réalisé par la Fédération des usagers de la bicyclette (Fub), avec 113 000 réponses recueillies en deux mois, sans relai médiatique. Le plan de 2014 a fait entrer en vigueur des évolutions du code de la route déjà mûres, comme le double-sens cycliste en zone 30 km/h, ou encore la possibilité de réserver un emplacement pour son vélo sur les trains grandes lignes. C’étaient des mesures importantes, mais qui ne coûtaient rien. Ce plan vélo et mobilités actives s’accompagne d’un engagement financier, ce qui change la perception des choses.

Parmi ces mesures portant sur la sécurité, la lutte contre le vol, l’incitation et le développement d’une culture vélo, laquelle est la plus importante ?

Je n’en isolerai pas une plutôt qu’une autre. Mais l’axe qui aura peut-être le plus d’impact est celui sur lequel l’Ufolep est positionné : le « savoir rouler », c’est-à-dire l’apprentissage précoce de la rue à vélo pour nos enfants. Et les mesures fiscales pour encourager les déplacements domicile-travail à vélo (qui aujourd’hui concernent seulement 2 % des actifs) sont aussi très emblématiques.

L’objectif est de passer de 3 à 9% des déplacements effectués à vélo d’ici 2024 : cela peut sembler ambitieux. Mais l’est-ce vraiment au regard de l’urgence climatique ?

C’est un seuil à franchir. L’exemple d’autres pays montre qu’il est plus difficile de passer de 3 à 6 % que de 9 à 15 %. Parce qu’à partir de 10 %, cela devient visible. Comme à Paris où, d’après l’extrapolation des enquêtes générales transports, on serait à 9% des trajets effectués à vélo.

Parmi la santé, la transition écologique et énergétique, l’attractivité des villes, l’accès à la mobilité pour tous et la création d’emplois, quel est le principal avantage du vélo aux yeux du gouvernement ?

Financièrement, l’un d’entre eux est sans comparaison avec les autres : l’avantage de santé publique. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un gain de 1% de part modale de la marche ou du vélo a un effet multiplicateur, parce qu’on transforme de la sédentarité en activité physique modérée. Mais c’est invisible à l’œil nu. Dans le même temps, des études britanniques montrent que remplacer des trajets en voiture par des trajets à vélo renforce la cohésion sociale et favorise le commerce de proximité : une façon de lutter contre sa déprise dans les centres-villes.

Le fonds national mobilités actives, dédié aux aménagements des collectivités territoriales, représente 0,7 € par an et par habitant. N’est-ce pas dérisoire, au regard de ce qui est investi dans le même temps pour la voiture, que ce soit dans les contournements, les autoroutes ou les primes à la casse ?

Cela représente 50 millions par an, pendant 7 ans, ce qui n’est pas négligeable. En outre, l’objectif n’est pas de construire des aménagements sous la houlette de l’État mais d’avoir un effet de levier, en se concentrant sur les « résorptions de discontinuité », là où les collectivités n’y arrivent pas. Ce fonds complète les 100 millions par an consacrés au vélo et aux plateformes de mobilité dans la dotation de soutien à l’investissement local, dès 2018. Au-delà du montant, ce fonds permet d’enclencher une logique : si on met de l’argent, c’est que c’est sérieux.

Vous faites de l’école le premier acteur du développement d’une culture vélo. En a-t-elle les moyens ?

Je sais en tout cas qu’il faut se donner les moyens de répondre à l’épidémie de surpoids et d’obésité enregistrée chez les plus jeunes, lesquels éprouvent également de plus en plus de difficultés à se concentrer en cours. Or des études de cohortes menées dans les pays scandinaves montrent que les enfants que l’on dépose à l’école en voiture sont moins réceptifs que les autres. Des enfants qui savent faire du vélo, ce sont aussi des enfants qui peuvent rejoindre par eux-mêmes la piscine ou le complexe sportif, et qui peuvent trouver dans ce mode de déplacement un complément aux heures d’éducation physique. Vélobus et pédibus contribuent aussi à améliorer la sociabilité entre élèves. Et puis, travailler sur l’apprentissage des élèves, c’est associer du scolaire, du périscolaire et de l’extrascolaire.

Justement, comment les fédérations sportives peuvent-elles participer à développer cette culture vélo ?

Le ministère des Sports a élaboré avec différents acteurs, dont l’Ufolep, un référentiel du « savoir rouler ». Pour schématiser, il faut apprendre à se servir de sa « bécane » (au début dans la cour de l’école, puis sur des terrains variés), puis à communiquer sur la route et dans la rue (indiquer sa direction et prendre l’information), et enfin à s’y déplacer. Je trouve intéressant de distinguer ces trois apprentissages progressifs : maîtriser son vélo, s’aventurer sur des espaces relativement sécurisés comme une voie verte, puis se lancer dans le grand bain de la circulation. Et l’Ufolep possède une vraie compétence pour faire acquérir ces réflexes et encadrer des sorties qui, d’une fois sur l’autre, seront un peu plus longues.

Et chez les jeunes gens ? La culture du vélo peut-elle remplacer celle de la voiture ?

Je crois. Si peu d’adolescents ou de jeunes adultes se passeraient de smartphone, beaucoup choisissent de ne pas passer leur permis et ne rêvent pas de posséder une voiture, ni même un scooter. Il n’y a plus rien à prouver de ce côté-là. Même la voiture de fonction n’est plus un marqueur de réussite professionnelle. Certains, y compris parmi les hauts fonctionnaires, demandent à la place un vélo à assistance électrique. Après, il existe il est vrai des environnements particulièrement hostiles, comme l’accès depuis Paris au quartier de la Défense. Un cas d’école pour les « résorptions de discontinuité ».


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