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Philippe Jahshan, une question d’engagement

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Associations Ufolep, savez-vous que vous faites partie d’un Mouvement associatif qui représente 600 000 acteurs de terrain ? Son président, Philippe Jahshan, explicite ce rôle de plaidoyer exercé au nom de l’intérêt général.

 

Philippe Jahshan, vous présidez le Mouvement associatif, qui représente notamment les associations Ufolep, à travers leur adhésion à la Ligue de l’enseignement. À quoi sert-il ?

Le Mouvement associatif est le porte-voix des associations. Héritier de la Conférence permanente des coordinations associatives, créée en 1992, sa mission consiste à valoriser la vie associative et à affirmer son rôle dans l’élaboration d’un projet de société plus juste et plus durable. Il regroupe à la fois des coordinations représentant un secteur identifié, des confédérations d’associations comme la Ligue de l’enseignement ou France nature environnement, et des associations « expertes » comme France bénévolat ou La Fonda, think tank du monde associatif. S’y ajoutent nos déclinaisons régionales, qui portent les enjeux de vie associative au niveau territorial et viennent nourrir notre action nationale. Au travers de ces différentes composantes, nous sommes la première représentation associative, avec plus de 600 000 associations représentées sur les 1,5 million recensées en France. Une dynamique portée par 16 à 22 millions de bénévoles, selon les chiffres.

 

Vous-même êtes issu d’une coordination d’ONG engagées dans l’aide internationale. Comment parler au nom d’associations très diverses, dans leur objet comme dans leurs moyens ?

Le Mouvement associatif est un creuset qui réunit des acteurs qui partagent le statut d’association loi 1901 et les valeurs inscrites dans notre manifeste et notre charte. Il défend des enjeux communs liés à l’engagement et au bénévolat, à l’emploi, aux modèles socio-économiques associatifs et à leurs enjeux de financement, de fiscalité, etc.

 

Cela s’apparente à un syndicat…

Pas exactement, dans la mesure où nous ne défendons pas les seuls intérêts de nos adhérents mais l’intérêt général incarné par le modèle associatif. Or la vie associative se retrouve souvent rejetée dans les angles morts de l’action publique. Nous appelons de nos vœux une politique de soutien à la vie associative qui ne soit pas seulement pensée dans le cadre des politiques publiques sectorielles. C’était l’objet du rapport que nous avons remis en juin 2018 au Premier ministre.

 

Quel était le contenu de ce rapport ? Relevait-il de votre initiative ?

Ce rapport est venu s’inscrire dans le contexte d’un début de quinquennat où le dialogue était quasi inexistant. La direction à la Vie associative étant rattachée au ministère de l’Éducation nationale, l’absence de secrétariat d’État dédié réduisait de fait le temps politique accordé à ce sujet. Dans le même temps, une série de mesures sont venues percuter la vie associative : suppression des emplois aidés, fin de la réserve parlementaire (qui contribuait de manière ciblée au financement associatif) et réforme de l’impôt sur la fortune (avec un tarissement des financements liés aux exonérations fiscales, et un effondrement des dons). Nous avons alerté le gouvernement, qui en novembre 2017 a enfin ouvert le dialogue et nous a demandé un rapport et des propositions pour nourrir une politique associative.

 

Que préconise le rapport ?

Il est organisé en trois axes : faire vivre toutes les potentialités qu’offre la loi de 1901, bâtir une politique d’appui à la vie associative, et faciliter la mission d’intérêt général des associations. Il est assorti de 59 propositions portant sur les enjeux essentiels que sont le soutien à l’engagement, un financement structurel ou l’accompagnement du secteur associatif, dans un contexte de baisse des fonds et de réduction du financement public ! Nous souhaitons également une vraie politique de l’emploi associatif, qui ne se confonde pas avec les politiques d’insertion dans lesquelles s’inscrivaient les emplois aidés ou aujourd’hui les parcours emploi compétences (PEC). Autre question d’importance : la reconnaissance du modèle non lucratif au niveau européen. Le cadre européen ne fait pas de distinction entre les différents types d’entreprises et donne la primauté au fonctionnement concurrentiel, ce qui met les associations en difficulté, en particulier dans le cadre de la commande publique. Enfin, nous demandons un cadre d’échange pérenne avec les pouvoirs publics, qui manque depuis la fin du conseil national de la vie associative.

 

Des réponses ont-elles été apportées ?

La première a été la création d’un secrétariat d’État à la Vie associative, avec à sa tête Gabriel Attal, placé auprès du ministre de l’Éducation nationale. Gabriel Attal a élaboré la feuille de route du gouvernement et retenu 15 de nos 59 propositions. Plusieurs des mesures retenues relèvent de l’engagement et de l’accompagnement, avec le principe d’une révision des dispositifs.

 

Et autrement ?

Le gouvernement a beaucoup investi, et à nos yeux a surinvesti, dans l’engagement par le biais du service national universel (SNU), qui a connu sa première expérimentation cet été. Le Mouvement associatif a une vision bien plus large et insiste sur l’engagement tout au long de la vie, notamment dès le plus jeune âge, dès l’école. Sur le service civique, les réponses ne sont pas non plus à la hauteur de ce que nous souhaiterions. Et si le gouvernement a repris notre proposition d’un renforcement du Fonds pour le développement de la vie associative, afin de mieux former les bénévoles, nous attendons toujours des engagements financiers à la hauteur des besoins. Les propositions reprises de notre rapport n’ont pas été chiffrées, et les arbitrages budgétaires à venir nourrissent nos inquiétudes.

 

Le Mouvement associatif a évoqué un risque d’instrumentalisation des associations dans le cadre du service national universel…

Nous craignons que le SNU absorbe la plupart des financements, au détriment de la formation des bénévoles et du service civique. Certes, le SNU peut être un levier à l’engagement, mais notre priorité porte sur le renforcement des politiques d'enggement volontaire, beaucoup plus en phase avec l'esprit associatif. Comme le service civique, dispositif plébiscité et qui répond aux envies d’engagement  des jeunes.

 

Justement, comment se porte le bénévolat en France ?

Les Français s’engagent ! Certes, inégalement selon les classes sociales, en particulier chez les plus pauvres et les plus fragiles. Mais, globalement, le bénévolat associatif continue de croitre en France.

 

Est-ce vrai pour tous les secteurs ? Pour l’humanitaire, l’international, l’environnement, peut-être. Mais les associations sportives disent peiner à renouveler leur bénévoles et leurs cadres…

Les situations varient évidemment d’un secteur à un autre, notamment parce que certains sont plus professionnalisés : le bénévolat s’y est réduit, proportionnellement au développement de la masse salariale. Pour autant, la question de l’engament ne se résume pas au bénévolat. On peut être salarié et engagé, et une association employeure n’est pas une entreprise du CAC 40 ! Il est de la responsabilité des associations que l’ensemble de leurs ressources humaines, bénévoles et salariées, soient partie prenante de leur projet. Ce qui renvoie aussi à la capacité à rester maître de son projet associatif, ce qui n’est pas toujours simple au regard du contexte et des politiques publiques… Les associations doivent également faire évoluer leur gouvernance et épouser les nouvelles formes d’engagement. Sinon, les bonnes volontés se tourneront vers d’autres organisations.

 

Propos recueillis par Philippe Brenot


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