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Les fédérations affinitaires au centre du débat

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Tous les dix ans, la Fédération sportive et culturelle de France organise un colloque destiné à alimenter la réflexion politique de ses dirigeants. Le dernier en date s’est déroulé en novembre 2018 et portait sur « l’implication sociale du mouvement sportif associatif ».

Si de nombreuses contributions de ce colloque, aujourd’hui réunies au sein d’un ouvrage, s’intéressent plus spécifiquement à l’engagement de clubs FSCF, toutes éclairent les problématiques auxquelles sont confrontées l’ensemble des fédérations affinitaires, à commencer par l’Ufolep.

Deux articles retiendront tout particulièrement l’attention des responsables associatifs. Dans le premier, Laurence Muñoz interroge « les modes de construction d’un modèle hégémonique », à savoir celui des fédérations unisports ayant reçu délégation de service public de la part de l’État pour assurer le développement d’une discipline. De la « légitimité », on est passé une « domination » qui pose question : « À qui appartient le sport ? », demande ainsi la nouvelle présidente de la plateforme ID.Orizon.

S’appuyant sur les travaux du théoricien italien Antonio Gramsci (1891-1937), elle rappelle comment le paysage sportif s’est majoritairement constitué au 20e siècle sur la base d’un modèle associatif spécialisé par discipline qui est devenu progressivement « hégémonique » : construction de la structure unisport comme modèle de référence ; injonctions normatives des fédérations internationales et de l’État en matière d’équipements, de pratique et de règlements ; et enfin délivrance de diplômes professionnels reconnus. De la « légitimité » de ces fédérations, on est ainsi passé à leur « domination » sur l’ensemble du mouvement sportif.

Dans une seconde partie, Laurence Muñoz pointe le paradoxe entre ce modèle hégémonique et « la diversité du sport dans la vie sociale » : « À l’instar du slogan "Tous les sports autrement" de l’Ufolep, les fédérations affinitaires et multisports ont réussi à développer et diffuser des modes de pratique différents du sport officiel. »

Le sport autrement. Sabine Chavinier-Réla, maître de conférences à l’université de Limoges et membre du Centre de droit et d’économie du sport, interroge de manière plus directe encore le rôle et la place des affinitaires : « fédérations délégataires bis » ou « toujours imitées jamais égalées » ? L’un des écueils serait en effet de « se perdre dans le mimétisme », tout en faisant « moins bien ». L’universitaire relève en effet que près de la moitié des associations affiliées à l’Ufolep sont des clubs unisports « centrés sur la préparation et l’organisation de compétitions », même si les acteurs de terrain qui témoignent dans les comptes rendus de la presse locale mettent en avant le « sport autrement » qu’incarne des rendez-vous conviviaux où l’enjeu sportif passe après le sens de la rencontre et les préoccupations sociétales. Sabine Chavignier-Réla s’attache ensuite à « déconstruire cette idée selon laquelle les fédérations affinitaires "chasseraient sur les terres" des fédérations délégataires ». Engagées dans la lutte contre la sédentarité, présentes auprès des publics « empêchés », elles accordent aussi une place plus importante aux femmes, dans les pratiques comme parmi leurs instances. En outre, elles proposent « une offre tout au long de la vie » quand les fédérations délégataires sont principalement présentes dans les catégories jeunes : les fédérations affinitaires touchent « un public très diversifié, avec une gamme de prestations susceptibles de convenir à l’ensemble de la population ».

Cependant, le positionnement « historiquement original » des affinitaires est désormais imité par les fédérations unisports : « FSCF, FSGT et Ufolep ne sont plus les seules à se préoccuper de questions de société », même si celles-ci sont beaucoup plus présentes dans leur projet. Voudrait-on les imiter à leur tour, sans posséder forcément leur savoir-faire…

Sabine Chavinier-Réla observe pour finir que « le sport ne se réalise plus seulement au sein du mouvement sportif édifié tout au long du 20e siècle », mais dans des pratiques individuelles ou les collectifs informels que permettent les réseaux sociaux. « Les crispations particulièrement perceptibles dans la mise en œuvre de l’injonction de licencier tous ses adhérents » apparaissent alors comme des combats d’arrière-garde. « Alors que la société civile développement selon sa logique propre de nouveaux modes de pratiques en dehors des cadres établis, les stratégies semblent ainsi vaines et les débats internes au mouvement sportif décalés de la réalité. »


L’implication sociale du mouvement sportif associatif (la FSCF entre permanence et mutations), Laurence Muñoz, Yves Morales, Yoann Fortune (dir.), Presses universitaires du Septentrion, 300 pages, 25 €.
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