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Le renouveau des arts martiaux

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Aïkido, viet vo dao, tai chi chuan… Plusieurs arts martiaux ont récemment rejoint l’Ufolep pour développer en son sein une approche détachée de l’esprit de compétition. Qui sont-ils ? Qu’ont-ils en commun ?

Des enfants et des adultes en veste et pantalon de toile bleue, associés dans une démonstration composée de combats scénarisés et aussi d’une scène où trois enfants intrépides font reculer un dragon asiatique sur fond de percussions traditionnelles, avant de s’esquiver d’une roulade arrière parfaitement maîtrisée. C’était l’un des temps forts de la clôture de l’assemblée générale de Cenon d’avril 2019, et ce jour-là la salle a bien compris le salut final adressé par ces pratiquants de vovinam comme une volonté affirmée de rejoindre la grande famille de l’Ufolep.

L’« art martial vietnamien » n’est pas un cas isolé. L’aïkido, de culture japonaise, le tai chi chuan, venu de Chine, et le karaté oshukai, originaire de l’île d’Okinawa, ont emprunté avant lui le même chemin et trouvé à l’Ufolep un cadre fédéral leur permettant de développer leur pratique sans étouffer leurs spécificités et sans les contraindre à entrer dans le carcan de l’affrontement sportif. C’est ainsi que ces disciplines traditionnelles volontiers associées à une certaine « spiritualité » ont fait souche dans une fédération attachée jusque dans son nom au principe de laïcité. L’aïkido, le tai chi, l’oshukai et le vovinam se sont même attachés à définir conjointement ce qui pourrait caractériser « un art martial à l’Ufolep ».

Judo et karaté en repli

Au fil des ans, ces disciplines sont devenues tout aussi représentatives en termes d’effectifs que les arts martiaux « historiques » que sont le judo et le karaté, dont la pratique s’était développée à partir des années 1960 et 1970, notamment à travers la création de sections dans les amicales laïques. Au début des années 1990, ces deux disciplines phares réunissaient à elles deux 25 000 licenciés, dont 90 % engagés dans des compétitions. Il y a dix ans, le judo fédérait encore 7 500 pratiquants et le karaté près de 900, avant de tomber respectivement la saison dernière à 2 000 judokas et 500 karatékasUfolep.

Certes, pris séparément les effectifs des nouvelles disciplines restent modestes : 322 pour le vovinam, 1 174 pour l’aïkido, 1 333 pour le tai chi chuan… Mais il faut y ajouter une partie des 1 265 pratiquants des « autres arts martiaux ». Surtout, ces activités se sont retrouvées autour d’une dynamique commune, symbolisée par leur participation à un groupe de travail commun, parallèlement à la gestion de chaque activité au sein de commissions ou de groupes de travail nationaux dédiés.

L’aïkido, premier de cordée

La discipline aujourd’hui la plus structurée à l’Ufolep est l’aïkido. Répertoriée depuis une trentaine d’années, elle a pris une nouvelle dimension avec l’affiliation, il y a dix ans, de l’École régionale d’aïkido animée à Blois par Antonio Barbas, titulaire d’un brevet d’État de l’activité et pilier de la commission nationale sportive Ufolep. « Nous cherchions une fédération d’accueil qui nous permette de développer un brevet fédéral afin que nos éducateurs puissent enseigner sur la base de diplômes. Et l’Ufolep était celle qui correspondait le mieux à nos aspirations », résume-t-il.

Flashback : en 2010, au lendemain du décès de maître Tamura, dont l’association suit les préceptes, les deux fédérations qui président aux destinées de l’activité décident d’imposer de nouvelles règles concernant le jury de passage des grades. Or ces grades qui traduisent la progression du pratiquant sont étroitement liés à l’enseignement propre à chaque école. À l’image de la plupart des arts martiaux, l’aïkido est en effet un archipel où chaque île est très attachée à sa souveraineté, quitte à s’éloigner de l’autorité centrale…

Comme au-delà de son association Antonio Barbas est responsable pour la France du groupe Eurasia (qui rayonne sur une trentaine de pays), il entraîne d’autres associations dans son sillage. Il se met aussitôt au travail avec la direction technique de l’Ufolep pour créer un brevet fédéral et à mettre en place des rassemblements nationaux annuels : « Sept écoles d’aïkido coexistent à l’Ufolep, chacune avec ses petites différences techniques. La finalité de ces rassemblements était dans un premier temps de se connaître, puis de dialoguer à partir d’un partage de pratiques, sans rien abandonner de l’autonomie de chacun. Rituellement, le club d’accueil ouvre le rassemblement, puis chaque école propose un cours, avant que la commission nationale n’assure la clôture. » En octobre, le prochain rassemblement portera en particulier sur les grades.

Karaté tous publics

C’est aussi il y a une dizaine d’années que Gilles Méhard et le Karaté Oshukaï Canetois (Pyrénées-Orientales) ont quitté une Fédération française de karaté et disciplines associées (FFKDA) « trop axée sport ». « Tout tournait autour de l’organisation de championnats de France, d’Europe, du monde... Mes collègues et moi n’y trouvions plus notre compte. Mais comme notre club utilise des locaux municipaux, il nous fallait trouver une fédération agréée par le ministère des Sports » explique le maître, « renshi » 6e dan, qui avait alors convaincu les adhérents d’Oshukaï France de la suivre, avant que ceux-ci ne reviennent tout récemment en assemblée générale sur cette décision.

Dans le karaté oshukaï, toute compétition n’est pas écartée, et ces dernières années la CNS avait organisé une coupe nationale, « mais dans un esprit traditionnel qui s’apparente aux conceptions de l’Ufolep : des combats et des katas, oui, mais il ne s’agit pas de gagner à tout prix ».

Le profil des pratiquants est varié : « Des enfants à partir de 6 ans, des adolescents, des sections adultes entre 16 et 50 ans… Et aussi des seniors qui continuent de pratiquer », souligne Gilles Méhard, qui dans son club s’intéresse tout particulièrement à ce public. « À Okinawa, berceau de toutes les écoles de karaté, les personnes âgées restent actives. Or d’ici 2030 près d’un tiers de la population française aura plus de 60 ans. Le problème est que l’offre est centrée sur l’activité, et pas assez sur le pratiquant. C’est pourquoi j’ai créé une section senior, afin de répondre à une problématique sociétale que partage l’Ufolep. La plupart des seniors qui nous ont rejoint ne pratiquaient pas, et il a parfois fallu changer leur représentation du karaté, assimilée à une discipline violente. Nous avons même parmi nos licenciés une dame de 80 ans qui avait toujours rêvé d’en faire ! Tout est question de dosage et de pédagogie », explique Gilles Méhard, très attaché aux dimensions santé et bien-vieillir de l’activité.

Le tai chi, art martial « interne »

« Ce n’est pas une obligation pour une association de tai chi d’être affiliée à une fédération. Mais cela permet la confrontation et le passage de diplômes pour ceux qui le souhaitent. Or beaucoup d’écoles ont des styles différents et toute fédération a naturellement tendance à vouloir tout codifier et uniformiser » relève Vincent Legras, qui anime l’association L’Atelier du Qi à Cran Crevier, près d’Annecy (Haute-Savoie).

« Le tai chi n’est pas une gymnastique traditionnelle mais un art martial dit "interne", où les potentialités d’un geste passent par la compréhension, le travail énergétique, la circulation du souffle et l’observation, avec une part méditative, explique Vincent Legras. La voie "externe", ce serait le kung-fu, qui repose sur la répétition d’un mouvement et son intériorisation. Dans le tai chi chuan, on commence par une forme lente, en cherchant l’équilibre du corps et de l’esprit, avec des finalités qui peuvent être différentes, comme la méditation – la finalité principale pour moi – ou martiales, avec l’application des gestes dans un contexte de confrontation. »

L’Atelier du Qi s’est éloigné de la Fédération de wushu (arts énergétiques et martiaux chinois) en raison d’une tendance à l’uniformisation renforcée après la scission du kung-fu en 2010. Or Vincent Legras connaissait la Ligue de l’enseignement et l’Ufolep depuis ses débuts professionnels comme éducateur spécialisé en milieu ouvert. « La dimension multisport de l’Ufolep et son rapport plus distant avec la compétition sont proches de l’esprit du tai chi, où il n’y a pas d’obligation de résultat. Pour autant, je ne fais pas de prosélytisme, d’autant que le milieu du tai chi est très divers, et plus encore depuis la disparition des maîtres historiques qui ont contribué à importer cette pratique en France dans les années 1970 et 1980. »

La commission nationale sportive créé en Ufolep il y a sept ans s’est vite attelée à la création d’un brevet fédéral et, après une première formation organisée à l’automne 2019, la deuxième était programmée les 17 et 18 septembre à Salbris (Loir-et-Cher).

Le vovinam, dernier arrivé

Le vovinam est la dernière discipline à s’être structurée au niveau national, avec sa CNS créée en 2021. Quatre clubs de Gironde sont à l’origine du rapprochement avec l’Ufolep, là encore parce que l’orientation très compétitive de leur fédération de rattachement (karaté et disciplines associées) ne leur convenait pas. « Nous travaillons avec un maître de Marseille, Jean-Christophe Broc, devenu personne-ressource de la CNS et en lien direct avec le To Duong, le sanctuaire du vovinam à Hô Chi Minh-ville, l’ex-Saïgon », précise Bertrand Grolleau, qui anime le club de Braud-et-Saint-Louis et a lui-même déjà effectué trois stages au Vietnam.

Le paysage de la discipline est tout aussi divers qu’ailleurs, avec autant de chapelles que de grands maîtres. « À côté des clubs affiliés à la FFKDA, d’autres sont simplement regroupés en association loi 1901 et pourraient être intéressés par une adhésion à l’Ufolep, en conservant leur autonomie à l’intérieur d’un cadre fédéral qui facilite les relations avec les communes pour obtenir des créneaux de pratique en salle », souligne Bertrand Grolleau.

Groupe de travail commun

Les responsables nationaux de ces activités qui partagent une approche plus éducative que compétitive et tournée vers l’épanouissement de la personne, sont réunis depuis plusieurs années dans un groupe de travail : un cercle de réflexion qui s’est donné pour objet de définir ce qu’est un art martial Ufolep. Par exemple en mettant en parallèle les notions d’éducation physique et de maîtrise des gestes ou d’émancipation de la personne et de confiance en soi. Il s’agit aussi d’aborder des points plus techniques comme les grades et la forme des confrontations ou compétitions.

« Cette notion d’échange est davantage dans la tradition occidentale. Mais cela fait sens car nos problématiques sont souvent les mêmes », relève Vincent Legras, de la CNS tai chi. « Il existe par exemple de nombreux points communs entre l’aïkido et le tai chi, fait écho Antonio Barbas : la souplesse, la recherche de l’utilisation de l’énergie – le "chi" chinois est l’équivalent du "ki" japonais – la fluidité des gestes et tout le travail sur la respiration. C’est pourquoi je trouve très intéressant de s’attacher à définir ce qu’est un art martial à l’Ufolep. Cela rejoint notre démarche visant à travailler avec différents maîtres. Nos disciplines sont différentes, certes, mais il y a beaucoup de commun dans nos pratiques, et des choses à prendre chez les uns et chez les autres. »

Et si demain l’Ufolep était le laboratoire du renouveau des arts martiaux ?

Philippe Brenot


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