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Le bénévolat sportif est-il en crise ?

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S’il y a autant de bonnes volontés qu’avant pour apporter leur aide, les associations ont en revanche souvent du mal à renouveler leurs dirigeants.

« Résilience et bénévolat » : c’était, début décembre, le thème de l’assemblée générale de l’Amicale laïque des Marsauderies, du nom du quartier de Nantes où l’association est implantée depuis sa création en 1954. Ces dernières années, ce temps statutaire s’accompagne toujours d’un moment de débat étayé par des témoignages vidéo.

« Résilience et bénévolat », le thème est apparu comme une évidence après deux exercices bousculés par le Covid-19 mais à l’issue desquels l’association a su rebondir. Elle a retrouvé le même nombre d’adhérents, sans avoir perdu de bénévoles. L’amicale en a même profité pour les recenser : occasionnels ou plus engagés, ils sont 137 pour 1 600 adhérents, dont 25 membres du conseil d’administration, 6 responsables d’activité et 40 personnes qui participent activement à la vie de leur section sportive ou culturelle. Les autres donnent un coup de main lors de la fête de l’école à laquelle l’amicale est historiquement adossée, ou bien encore tiennent les bureaux d’inscription en septembre.

 

Chemins d’engagement

Les chemins d’engagement racontés ce soir-là se ressemblent tous un peu. On apporte son aide en tant que parent ou l’on découvre une activité, on s’y épanouit, on s’y investit, on y fait des connaissances et on y noue des amitiés, puis un beau jour on vous sollicite tout naturellement pour prendre davantage de responsabilités dans l’association. Et, parfois, on y demeure très longtemps. « J’y suis, j’y reste ! C’est mon mot d’ordre, résume en souriant Michel, co-responsable de la chorale avec Yvette. Si, après toutes ces années, je suis encore bénévole, c’est par pur égoïsme, parce que c’est une activité qui me plait. J’aime partager, faire découvrir aux gens des genres musicaux. Et cela fait toujours plaisir de se sentir utile. »

Se sentir utile : beaucoup insistent sur cette gratification, certes symbolique, mais qui donne son sens à leur engagement. En particulier pour Maud et Monica, responsables de l’accompagnement scolaire et des ateliers d’alphabétisation créés en prolongement pour les parents qui, ne maîtrisant pas le français, ne pouvaient aider leurs enfants pour les devoirs.

« Faire partie de l’amicale, c’est être membre d’un groupe et participer à la vie de quartier », souligne pour sa part Gwénolée, devenue au fil du temps co-responsable de la section gymnastique. Et quand on se sent en confiance et écouté, on n’hésite pas à faire preuve d’initiative. Avec Claude, un autre bénévole qui partage avec elle la passion de la randonnée à vélo, Gwénolée a ainsi proposé de créer une section VTC qui a vu le jour à la rentrée. « N’étant plus en activité professionnelle, je dispose de davantage de temps libre », explique ce dernier.

Quant à Sylvain, vingt ans à peine mais qui a commencé tout petit au multisport, après avoir passé son brevet d’animateur (Bafa) il a souhaité découvrir de l’intérieur l’association dans laquelle il était licencié depuis plus d’une décennie. « Cela me plait beaucoup de discuter en réunion de la façon d’organiser ou d’améliorer les activités », confie ce jeune homme qui pourrait bien être demain l’un des visages de la relève...

 

« Arroser les bénévoles »

Cette vision idyllique du paysage associatif post-Covid sonne comme un démenti à cette « crise du bénévolat » évoquée de manière récurrente, parfois depuis des décennies, en particulier dans le secteur associatif sportif. Les bénévoles, estimés entre à 3,5 et 4 millions, y sont toujours aussi nombreux. En revanche, les enquêtes montrent que si l’on trouve toujours autant de bonnes volontés pour donner des coups de main ponctuels, les bénévoles sont moins enclins à s’engager sur la durée.

« Je ne sais pas s’il y a une crise du bénévolat, mais indiscutablement celui-ci a changé, et cette évolution n’a peut-être pas encore été prise en compte par les associations, analyse Natacha Mouton-Levreay, dirigeante de l’association calaisienne Côte d’Opale Aventure et vice-présidente de l’Ufolep. La période que nous venons de traverser a aussi eu un impact sur le temps que les gens veulent bien donner à l’association. De façon très légitime, pour certains les priorités ne sont plus les mêmes. »

Mais, avant même l’épisode à répétition du Covid, de nombreux responsables d’association faisaient part de leurs inquiétudes et de leurs difficultés à trouver des bénévoles. « Comment les attirer ? Ces interrogations se retrouvent au sein des comités départementaux et de leurs commissions ou groupes de travail. À tous ces échelons, le renouvellement des dirigeants est un vrai sujet. Y compris au plan national, où dans certaines activités les commissions sportives manquent de candidats », constate Natacha Mouton-Levreay.

Même aux Marsauderies, les choses ne vont pas toutes seules. Si l’amicale a retrouvé ses effectifs d’avant-Covid, c’est parce que, profitant de compétences numériques en interne, elle s’est donné les moyens de maintenir tant bien que mal certaines activités et d’entretenir le lien avec ses adhérents et ses bénévoles pendant les périodes de confinement et de restriction de pratique.

« Un bénévole, pour que ça pousse il faut l’arroser, explique aussi de façon imagée Jean-Pierre Gallot, membre du bureau de l’amicale et du comité Ufolep de Loire-Atlantique. Et ça ne se fait pas derrière un ordinateur. Pour qu’un bénévole s’épanouisse, il faut favoriser les contacts directs à travers l’organisation de pots, de moments de rencontre, de convivialité et de remerciement. Il faut aussi lui permettre de grandir et de se former. L’an passé, nous avons par exemple ouvert la formation aux premiers secours (PSC1) à tous nos bénévoles : 60 ont participé à ces stages. Et on recommence cette année, avec la gratuité pour les plus engagés et une participation très réduite pour les autres. Même si le bénévole donne de son temps de manière désintéressée, il faut qu’il trouve quelque chose en retour. »

 

Crise des responsabilités

Un an avant la pandémie, Jacques Malet, président de l’association Recherches et solidarité et co-auteur de l’étude annuelle « La France bénévole », identifiait précisément le problème : « La crise du bénévolat est avant tout une crise des responsabilités ». Car ce sont « des acteurs qui acceptent de s’engager dans le bureau, pour des fonctions de président, de vice-président ou de trésorier » qui manquent à l’appel. Et ceci d’autant plus que, pour certaines tâches, « il ne convient plus d’être simplement volontaire pour être bénévole. Il faut avoir des compétences1 ». Le temps consacré à ces fonctions dirigeantes est également difficile à estimer, et peuvent aussi entraîner une responsabilité juridique de nature à effrayer certains.

En l’absence de ce sang neuf et de ces précieuses compétences, les dirigeants associatifs restent parfois en place très longtemps, s’essoufflent et s’épuisent alors même que les responsabilités ont tendance à s’alourdir. « Les plus jeunes sont partants pour aider sur des temps forts mais s’investissent rarement au-delà, observe Natacha Mouton Levreay. À cela de multiples raisons, parmi lesquelles une plus grande incertitude quant à leur insertion sociale et professionnelle. »

C’est un cercle vicieux. Face au manque de candidats à leur succession, certains conservent la présidence de leur association. « Il arrive alors qu’ils abandonnent brutalement. Une personne reprend alors la présidence in extremis, à la tête d’une association fragilisée. Mais il arrive aussi que celle-ci arrête ses activités », se désole Natacha Mouton-Levreay.

Cette question du renouvellement des équipes est cyclique. « Quand tu en as suffisamment et que l’équipe dirigeante est stable, tu as d’autres priorités qu’aller à la pêche aux bénévoles. Et quand tu en manques, si tu sollicites, tu trouves toujours » résume Jean-Pierre Gallot au regard de sa propre expérience. Celui-ci n’insiste pas moins sur la nécessité de soutenir et de former les dirigeants bénévoles, en particulier pour les structures employeurs. Lui-même participe aux travaux menés à l’échelon national avec la Ligue de l’enseignement pour faciliter la gestion des associations. « Très attentive aux remontées des comités, la fédération ne s’était peut-être pas suffisamment intéressée aux besoins des associations. C’est davantage le cas aujourd’hui », estime-t-il.

 

Clarté du projet

« Dans mon comité du Pas-de-Calais, témoigne pour sa part Natacha Mouton-Levreay, l’appel à bénévoles lancé pour intégrer les commissions départementales, avec un courrier précisant les diverses responsabilités puis un échange en visioconférence pour affiner les choses, s’est traduit par l’intégration de nouvelles personnes dans nos 13 commissions. Pour les associations, c’est plus compliqué, tant il y a d’éléments qui entrent en compte : la localisation géographique, le type d’activité, le public, la gouvernance… Toutes sont très différentes par leur activité, leur histoire, leur taille et leur organisation. Et si certaines nous font part de leurs difficultés à renouveler leurs cadres, d’autres n’ont aucun mal à recruter adhérents, bénévoles ponctuels et dirigeants. »

Comment l’expliquer ? « Probablement par la convivialité qui y règne et par l’accompagnement des bénévoles par la formation, la responsabilisation de davantage de personnes et le partage des tâches. Tout part souvent de la dynamique impulsée par l’équipe dirigeante et de la clarté du projet sportif et associatif. » Bien accueillir le nouveau bénévole, lui expliquer les valeurs et le fonctionnement de l’association, en faire un véritable acteur et non pas un simple exécutant, en l’associant aussi à sa gouvernance…  

En dépit des interminables soubresauts de l’épidémie de Covid-19, la vice-présidente de l’Ufolep se veut optimiste : « Les bonnes volontés ne manquent pas, l’envie de se retrouver est là. » Mais sans doute avec le souci plus marqué de garder aussi du temps pour soi et de ne pas tout sacrifier à son association. Le bénévolat ne doit pas être un sacerdoce, mais un engagement réfléchi où l’on trouve aussi son compte.

 

Philippe Brenot

 

(1) « Le bénévolat sportif en crise, les collectivités s’activent », par David Picot, La Gazette des communes, décembre 2018.


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