Championne de short-track (patinage de vitesse), deux fois sélectionnée pour les Jeux olympiques, Tifany Huot-Marchand est victime en octobre 2022 d’une grave chute qui la laisse tétraplégique mais dont elle trouve la force de se relever : un parcours de vie également assombri de drames familiaux qu’elle relate avec sensibilité dans Avec toute mon âme (En Exergue, 21 €). Reconvertie dans le paracyclisme, elle vise à présent une participation aux Jeux de Los Angeles 2028.
Je me souviens des tours à vélo dans notre petit village de Nans (Doubs) avec mon frère, ma sœur et nos amis, et aussi dans la campagne, pour aller construire des cabanes dans les bois.
Je me souviens de la gym à l’école, avec les moyens du bord : balle au prisonnier, jeux divers et courses fractionnées dans la cour où, à chaque coup de sifflet du maître, l’un d’entre nous était éliminé. Déjà la compétition…
Je me souviens de mon éblouissement le jour où, avec ma sœur jumelle, nous avons découvert à 9 ans la patinoire de Belfort, amenées là par une maman qui, plus jeune, avait pratiqué le short-track. Et si la première fois nous n’étions pas forcément à l’aise sur la glace, c’était très excitant : le lieu, la glisse, la vitesse… Nous avons vite accroché et débuté la compétition en club.
Je me souviens de notre arrivée au pôle France de Font-Romeu, à 15 ans, ma sœur Manon et moi, après avoir passé le cap des sélections. Nous venions de passer une année d’internat à Belfort, mais là c’était à l’autre bout de la France.
Je me souviens des méthodes autoritaires de nos entraîneurs coréens et des injonctions à maigrir. Avec le recul, j’ai conscience que ça n’était pas tout à fait normal. Mais avec les autres filles nous nous disions : c’est leur culture, ils sont les meilleurs au monde, et s’il faut en passer par là pour être performantes, nous le ferons. Ensuite, avec un entraîneur français ça a été plus douloureux encore : du harcèlement, et la fierté d’autant plus grande d’avoir remporté ma première médaille individuelle, en argent, vice-championne d’Europe sur 1000 m, pendant cette période de mise à l’écart. Je me souviens aussi qu’en 2021, nous avons été championnes d’Europe et vice-championnes du monde en relais.
Je me souviens parfaitement de mon accident, le 9 décembre 2022, et au détail près de tout ce qui s’est passé ce jour-là, et même la veille.
Je me souviens de ma participation au marathon pour tous de Paris 2024.
Je me souviens du stage effectué fin mars à Hyères avec l’équipe de France de paracyclisme, et de ma première participation à une épreuve de coupe du monde, mi-mai en Italie : j’ai terminé 4e du contre-la-montre – sans vélo profilé – et 6e de la course en ligne, malgré une chute sur la fin. Sur le moment, j’ai ressenti la déception d’avoir perdu toute chance de podium, puis j’ai éprouvé une peur rétrospective car ma tête a durement tapé par terre, ce qui n’est pas bon du tout après mes lésions à la moëlle épinière et avec le matériel que j’ai dans les cervicales… Mais j’ai retrouvé l’adrénaline de la compétition et ça m’a confortée dans mon souhait de me lancer dans cette nouvelle aventure sportive, avec la participation aux Jeux paralympiques de Los Angeles en ligne de mire.
Je me souviens de mes traversées cyclistes des Pyrénées puis des Alpes, vécues comme des défis, avant les Andes cet été avec Tristan, mon compagnon.