Du Vercors aux Cévennes, deux conceptions de la randonnée

Quand Antoine de Baecque réussit à dégager un mois pour randonner en solitaire dans son emploi du temps très chargé d’historien, critique de cinéma et enseignant à Normale Sup, c’est pour écrire un bouquin. Après Ma Transhumance, récit d’une traversée des Alpes du Nord au Sud (2018), après également de mémorables essais sur La Traversée des alpes (2014) ou Les Godillots (2017), voici Ma forteresse, où il s’essaie à l’autobiographie en mettant ses pas dans sa propre jeunesse, passée en partie sur les chemins et dans les parcours d’escalade du Vercors. Antoine de Baecque mêle aussi à son histoire personnelle les échos de la grande, particulièrement puissants dans ce haut lieu de la Résistance. Il le fait de manière parfois déconcertante, s’immergeant sous une forme mi-rêvée dans la bataille qui fit rage en juillet 1944, quand le maquis du Vercors croyait pouvoir transformer ce haut plateau défendu par d’abruptes falaises en une forteresse inexpugnable. Troublante au début, la formule méritait d’être essayée. On apprécie aussi cette façon d’associer références culturelles et littéraires – quel bonheur de débuter la balade avec le Trièves de Jean Giono – et la relation de ses fortunes de chemin, sans oublier de s’intéresser à l’histoire des lieux et à leur évolution actuelle.

C’est avec une feuille de route plus lâche qu’un jour de printemps Gwenaëlle Abolivier, ex-voix de France Inter délocalisée en Suisse romande et aujourd’hui tournée vers l’écriture, a pris le chemin des Cévennes de Stevenson et de sa chère Célestine. Son style se veut poétique et empreint d’une certaine spiritualité, mais avec un petit côté développement personnel qui ne convainc pas forcément. Marche en plein ciel est dédié à la fois « À Thierry mon compagnon de marche et de vie », et « À Pompon, l’âne et ami de mon enfance ». On ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il en aurait pensé. Philippe Brenot

Ma Forteresse, journal du Vercors, Antoine de Baecque, Paulsen, 284 pages, 19,90 €.
Marche en plein ciel, Gwenaëlle Abolivier, Le Mot et le reste, 120 pages, 13 €.