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Brigitte Henriques, quelle place pour les fédérations affinitaires au sein du CNOSF ?

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Présidente du Comité national olympique et sportif français depuis juin 2021, Brigitte Henriques fait le point sur les dossiers d’actualité et défend la synergie entre fédérations olympiques et affinitaires.

Brigitte Henriques, candidate non encore élue présidente du CNOSF, vous insistiez sur le « sujet majeur » de la sortie de la crise sanitaire. Y est-on enfin ? Ou le mouvement sportif doit-il apprendre à vivre avec la résurgence régulière de l’épidémie ?

Ce virus conditionne toujours notre quotidien, avec la menace de nouveaux variants. Mais nous avons su nous adapter. Ma première priorité a été d’aider les fédérations à encaisser le choc de pertes de licenciés très conséquentes, heureusement économiquement compensées par les aides d’État. Multisports et affinitaires ont été parmi les plus touchées avec une perte de 30% en 2020-2021. Je sors justement d’une réunion avec l’Agence nationale du sport sur le fonds de compensation de 10 millions d’euros obtenu de l’Etat, auxquels s’ajouteront plus de 6 millions pris sur l’enveloppe des projets sportifs. Ces aides, le CNOSF est allé les chercher. Une fois que la situation sera stabilisée, il faudra aussi aller chercher de nouveaux licenciés. Mais cela prendra au moins un an ou un an et demi avant de retrouver la situation d’avant Covid.

Les clubs ont aussi vu des bénévoles s’éloigner d’eux. Vous insistez sur la nécessité expliquez de valoriser leur engagement : de quelle façon ?

Les clubs ont en effet perdu des bénévoles qui ont parfois changé de mode de vie, mais on a surtout vu comment la grande majorité d’entre eux a maintenu le lien social pendant le confinement. Leur rôle doit être davantage reconnu, c’est le sens de mes propositions de candidate et de celles formulées par le CNOSF pendant la campagne présidentielle : valoriser les compétences acquises et accorder un vrai statut aux 3,5 millions de bénévoles des clubs sportifs. Certes, obtenir des points de retraite supplémentaire peut sembler utopique en raison du coût que cela représenterait. Mais ce que les bénévoles apportent à la société en matière de santé et de cohésion sociale est incalculable ! C’est pourquoi, dans le cadre de l’Héritage des Jeux, nous souhaitons récupérer les locaux de l’académie Paris 2024 accueillie au siège CNOSF, pour en faire le Centre national du bénévolat et de l’arbitrage. Une maison où l’on reçoit et accompagne les bénévoles. Car le modèle sportif français, c’est d’abord le bénévolat.

Autre priorité affichée, l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques à Paris en 2024. Mais, au regard de la menace sanitaire persistante et de l’impact de la guerre en Ukraine sur les relations internationales, ceux-ci ne sont-ils pas devenus un cadeau empoisonné ?

Qui aurait pu prévoir cette crise sanitaire sortie de nulle part ? Et qui aurait imaginé cette guerre ? Paris 2024 va s’adapter à cette situation, avec le souhait d’être porteur d’espoir.

Cependant, l’esprit olympique n’est-il pas sérieusement entamé quand, en préambule aux Jeux d’hiver 2022, le dirigeant du pays hôte semble nouer un pacte avec le chef d’État d’une autre superpuissance qui, au lendemain de la cérémonie de clôture, va déclencher une guerre ?

A posteriori, cela paraît en effet impensable. Mais que peut faire le sport, sinon s’efforcer de proposer un environnement pacifique où tous les pays puissent se rencontrer ? Ensuite, peut-être est-ce au moment d’accorder l’organisation à un pays qu’il faut se poser certaines questions. J’espère qu’en 2024 nous serons sortis de ces crises et que les Jeux olympiques et paralympiques pourront apporter leur pierre à l’édifice de la paix.

Parmi vos engagements figurait celui de « nouer des relations de proximité et de confiance avec les fédérations pour servir et créer l’unité », avec un souci de « décloisonnement ». Depuis la suppression de leur collège, les fédérations multisports et affinitaires ont pourtant le sentiment d’être moins écoutées, en dépit de leur contribution en matière de santé, de vivre-ensemble ou d’insertion sociale…

Ces fédérations ne m’ont pas fait part de ce sentiment. J’ai le souci d’être proche du terrain et d’échanger en vis-à-vis pour connaître les problématiques de chacun. Mais mon début de mandat a été particulièrement chargé, avec les Jeux de Tokyo puis de Pékin, la loi sur le sport, le contexte de l’élection présidentielle... Depuis, j’ai renoué avec ces entretiens bilatéraux avec les responsables de fédérations, comme mi-mars avec Arnaud Jean pour l’Ufolep. L’été dernier, nous avons mis en œuvre le décloisonnement entre fédérations à travers des enquêtes. Cela a été très bien perçu, tout comme le principe de dîners des présidents et présidentes où tout le monde se mélange et où, à chaque fois, deux dirigeants présentent leur fédération. Le Covid a un peu perturbé le calendrier de ces rendez-vous, mais pour le prochain dîner j’ai demandé à Arnaud Jean de « pitcher » sur l’Ufolep. Il est important de se connaitre les uns et les autres, et cela passe par des moments de convivialité. Chacun doit apporter sa plus-value, et l’éclectisme de nos fédérations fait la richesse du CNOSF.

Plus précisément, quelle contribution attendez-vous de l’Ufolep ?

Pendant ma campagne, je n’ai pas eu l’occasion d’échanger de manière approfondie avec Arnaud Jean, qui m’avait fait part du soutien de l’Ufolep apporté à Emmanuelle Bonnet-Ouladj, auteure d’une superbe campagne. Lors de notre récent entretien, j’ai découvert la diversité des actions de l’Ufolep, sa « puissance de frappe » et sa culture de la transversalité, à travers le nombre de ministères auprès desquels elle déploie des projets et obtient des financements. Je souhaite que l’Ufolep fasse partager ce savoir-faire et mette ainsi en lumière l’apport du sport en matière de justice, de santé ou d’éducation. Je défends ardemment l’idée de complémentarité entre fédérations affinitaires et olympiques, et souhaite rompre avec les représentations qui feraient des premières des concurrentes des secondes, à qui elles vont prendre des licenciés. Mais les tiraillements tiennent souvent aux personnes, et des conventions peuvent clarifier le rôle de chacun. L’Ufolep et les fédérations affinitaires n’empiètent pas sur le terrain de la haute compétition. En revanche, des licenciés qui ont débuté en loisir avec elles souhaiteront peut-être un jour viser l’excellence.

Cet entretien paraît entre les deux tours de l’élection présidentielle. Regrettez-vous que, le 17 mars dernier, seuls trois candidats aient répondu à l’invitation du CNOSF de venir présenter leur programme ?

Tout d’abord, nous étions heureux d’accueillir ces trois candidats, et non des représentants, car tel était notre choix. Le CNOSF a souhaité tirer profit de la fenêtre de tir médiatique de la campagne pour mettre en avant ses propositions. Des fédérations comme la FSGT1 ou la FFRandonnée l’ont fait elles aussi. Je retiens que, pour la première fois, les « têtes de réseau » que sont le Cosmos, l’UCPF, l’Union Sport & Cycle, l’Association nationale des ligues de sport professionnelles, Sporsora, le comité sport du Medef et l’Andes2 étaient réunies autour du CNOSF et du CPSF (Comité paralympique et sportif français), après avoir été forces de proposition. Ensuite, on peut trouver désolant que le sport ait été absent des débats, même si la crise sanitaire et le contexte international ont beaucoup contribué à cela.

Pour finir, qu’est-ce qui, d’ici trois ans, vous donnerait le sentiment d’avoir réussi votre mandat ?

Avoir réussi l’unité de l’ensemble des fédérations réunies au sein du CNOSF et contribué à leur transformation économique. Car on ne peut pas tout attendre de l’État. Développer ses moyens financiers est indispensable pour étoffer les ressources humaines et aller chercher les licenciés. Je souhaite aussi que le CNOSF soit davantage partie prenante des questions de société en aidant par exemple les fédérations à prendre leur part dans la lutte contre toutes les formes de discriminations et contre les violences sexuelles. Il y a aussi les enjeux de santé face à la bombe à retardement de la sédentarité, et ceux de l’inclusion par le sport dans les quartiers politique de la ville (QPV) et les zones de revitalisation rurales (ZRR). En la matière, de nombreuses fédérations, dont l’Ufolep, doivent faire partager aux autres leurs bonnes pratiques. Enfin, il y a enfin l’enjeu de réussir les Jeux de Paris 2024, avec un héritage qui ne concerne pas seulement les fédérations olympiques : faire de la France une nation sportive, avec un gouvernement qui développe une vraie politique publique du sport, considéré comme un levier d’amélioration de la société et non comme une charge.

Propos recueillis par Philippe Brenot

(1) Fédération sportive et gymnique du travail.

(2) Le Cosmos est une organisation patronale, l’Union Sport & Cycle le syndicat de la filière sport, Sporsora regroupe 220 acteurs de l’écosystème sport, l’UCPF l’Union des clubs professionnels de football et l’Andes l’Association nationale des élus du sport.


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