À lire : « Les Tragiques », ils ne sont morts qu’une fois

Ils et elles n’auront pas connu la première mort, symbolique, du champion : ce jour où, mettant fin à sa carrière sportive, il renonce au sel de la compétition et aux feux de la rampe. Les Tragiques de Christian Montaignac ont été fauchés en pleine gloire ou avant d’avoir pu donner toute la mesure de leur talent.

De prime abord, réunir ainsi un panthéon de figures disparues, souvent il y a fort longtemps, peut sembler une entreprise morbide. Ce n’est pas le cas, même si, pour l’ancienne plume de L’Équipe, 78 ans aujourd’hui, c’est une façon se pencher sur sa jeunesse et de s’interroger sur la fragilité de l’existence. Et rarement son talent d’écrivain n’a été si éclatant : aucun de ces portraits ciselés n’est semblable aux autres.

Parmi ces destins brisés figurent inévitablement les trompe-la-mort que sont les pilotes automobiles et de moto, et des coureurs cyclistes projetés à terre dans des descente de col parfois fatales. Il y a aussi des cœurs qui lâchent, comme celui du footballeur Omar Sahnoun (1955-1980). D’autres morts sont plus dramatiques encore : l’escrimeur russe Vladimir Smirnov (1954-1982) eut le cerveau transpercé par le fleuret brisé de son adversaire, et le rugbyman Jean-François Philiponeau (1950-1976) fut foudroyé sur le terrain par une fin d’après-midi orageuse.

Peu de femmes dans ce mausolée de papier. Mais jusqu’à quel point faut-il s’en désoler ? La plus fameuse est peut-être la skieuse Régine Cavagnoud (1970-2001), tuée à l’entraînement, la plus méconnue l’athlète Georgette Gagneux (1907-1931), et la plus jeune Thaïs Méheust (1997-2019), prometteuse cavalière tombée sur un parcours de cross au Haras du Pin. Avec l’assentiment de l’auteur, on ajoutera une pensée pour Luce Douady, la brillante championne d’escalade qui, en juin dernier, fit une chute mortelle sur un sentier de montagne, à l’âge de 16 ans. Ph.B.

Les Tragiques, Christian Montaignac, illustrations de Bertrand Vivès, En Exergue, 296 pages, 21,50 €.