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« Les amicales, la Ligue et l’Ufolep »

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Ancien instituteur puis cadre de la Ligue de l’enseignement, dont il fut vice-président, chargé des questions de laïcité et d’histoire1, Pierre Tournemire retrace l’évolution des amicales laïques et des pratiques sportives accueillies en leur sein.

Pierre Tournemire, quand les amicales laïques sont-elles nées ?

On peut faire remonter leur origine aux débuts de la IIIe République. Des groupements et associations ont alors adhéré la Ligue de l’enseignement pour manifester leur attachement à la République et à l'éducation du citoyen. Parmi ces associations, qui ne sont pas encore « loi 1901 », figurent des cercles laïques et des sociétés de tir ou de gymnastique. Des amicales se créent ensuite pour soutenir l'application des grandes lois scolaires quand l’école publique doit faire face à l'hostilité de la part de l’Église, des autorités locales et d’une partie de la population.

À partir de quand accueillent-elles des sections sportives fédérées par l’Ufolep ?

Dans le début du XXe siècle, on trouve ici et là des activités sportives. La création de l’Ufolep, en 1928, répond à la nécessité de les structurer, pour répondre à la concurrence des patronages catholiques et obtenir une reconnaissance des autorités sportives.

Le qualificatif de « laïque » s’applique à des amicales, des patronages, des foyers… A quoi ces différents termes renvoient-ils ?

Les associations qui rejoignent la Ligue de l’enseignement le font avec le nom qu’elle se sont donné. Le terme de patronage renvoie à la concurrence avec celui des curés autour des activités éducatives du jeudi. Les amicales, elles, sont d’abord des amicales d’anciens élèves : le nom générique d’amicale laïque apparaît plus tard. Le terme de foyer est plus tardif encore et concerne surtout le milieu rural. D’autres associations affichent aussi cette identité laïque, comme le Sou des écoles laïques, qui renvoie historiquement au « sou » donné en soutien de la pétition en 1871 pour l'instruction obligatoire. Des associations existent toujours sous ce nom, notamment en Rhône-Alpes. Pour en revenir aux amicales laïques, elles ont pour caractéristique de se développer principalement autour de l’école afin de proposer des activités culturelles, sportives et de loisirs, pour les élèves mais aussi pour ceux qui ne sont plus en âge d’y aller.

Quand les amicales laïques se développent-elles le plus ?

Après le Front populaire, attaché aux loisirs pour tous, et surtout après la Libération, dès que la "guerre scolaire" est réactivée. La Ligue de l’enseignement appuie alors la création d’amicales laïques offrant des services, avec le concours des instituteurs, pour contrer la concurrence des écoles privées.

Et quand commencent-elles à perdre en rayonnement ?

À partir des années 1960, dans une France qui s’urbanise et s’engage dans une société de consommation où la hausse du pouvoir d’achat s’accompagne d’un accès plus large aux loisirs. Dans cette modernité, le terme de « laïque » prend une connotation un peu vieillotte. L’opposition privé-laïque passant davantage par les fédérations de parents d’élèves, nombre d'amicales laïques se transforment alors en Foyers de jeunes et d’éducation populaire (FJEP) ressemblant davantage à une Maison de Jeunes et de la Culture (MJC) qu'à une association militante pour l'école laïque.

Quelles sont les raisons de cette perte d’influence ?

Tandis que les écoles rurales commencent à disparaitre et que les effectifs de l’enseignement secondaire explosent avec le collège pour tous en 1959, le rôle de l’école primaire et de ses enseignants perd d'importance dans l'animation de la cité. L’activité prend le pas sur l’appartenance idéologique : le but est moins de concurrencer l’enseignement privé que de développer des activités culturelles et sportives de qualité. La dynamique que générait la concurrence avec les associations confessionnelles s'estompe, même si elle se poursuit un temps encore dans le domaine sportif, notamment à travers le football et le basket.

Jusqu’aux années 1970, on rejoignait l’amicale par engagement laïque et on se licenciait à l’Ufolep si l’on souhaitait faire du sport. Mais, en prenant de l’importance, les sections sportives ont souvent préféré prendre leur indépendance, d'autant que la professionnalisation des activités et le développement du métier d’éducateur sportif mettaient en évidence que le simple bénévolat et la bonne volonté ne suffisaient plus. Enfin, la palette des sports proposés s’est parallèlement élargie et de plus en plus d’associations déjà constituées ont adhéré à l’Ufolep pour le développement de leur activité. Elles deviennent ainsi affiliées à la Ligue de l’enseignement, mais un renversement s’est opéré.

Pourquoi les amicales laïques sont-elles inégalement présentes sur le territoire ?

Lorsque la concurrence reste forte avec l’enseignement privé, s’afficher « laïque » garde son sens. Il y a aussi la tradition, la fidélité au nom. Dans les Bouches-du-Rhône, la Ligue de l’enseignement s’appelle Fédération des amis de l’instruction laïque (Fail), appellation qui remonte au XIXe siècle, et en Loire-Atlantique le nom de Fédération des amicales laïques (Fal) demeure usité pour illustrer son attention à fédérer et à entretenir un vrai maillage de son territoire. Globalement, en cinquante ans la vie associative s'est diversifiée et spécialisée, mais quand une amicale laïque fonctionne bien, les gens continuent avec elle.

À lire : La Ligue de l’enseignement (Milan, coll. Les Essentiels)


En Jeu Ufolep 45, mars 2021
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