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« La société du peloton », par Guillaume Martin

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Il faut parfois s’accrocher pour suivre les raisonnements de La Société du peloton, presque autant que pour prendre la roue de Guillaume Martin, titulaire d’un master en philosophie et 8e du dernier Tour de France, lorsqu’il démarre dans un col. Mais il serait dommage de perdre le fil du discours comme d’autres celui de la course.

Paru il y a trois ans, Socrate à vélo, plaisant récit d’une Grande Boucle courue par des philosophes bavards, n’était donc qu’un prologue, une mise en jambes. On retrouve ici les allers-retours entre expérience personnelle et développements théoriques qui faisaient le sel de l’ouvrage. Mais le propos se veut ici plus ambitieux, et plus grave.

Il est exposé lors d’un « échauffement » d’une vingtaine de pagesà partir de l’argument suivant : « Trois échappés luttent dans le final d’une épreuve cycliste pour résister au retour du peloton. » Ils ont beau savoir qu’ils doivent pour cela unir leurs efforts, le plus souvent ils échouent pour avoir versé dans le chacun pour soi. Guillaume Martin fait de cette situation cornélienne la métaphore d’une société incapable d’opérer les choix qui s’imposent pourtant à elle afin d’éviter sa perte.

« "Sport individuel pratiqué en équipes", la petite reine ne couronne qu’un seul vainqueur, qui ne pourra cependant triompher sans l’aide de ses coéquipiers, sans une formation structurée qui le porte et l’élève. [Or] chaque coureur est bousculé entre plusieurs plans – à l’instar du citoyen de nos sociétés démocratiques, écartelé entre ce vers quoi ses instincts le poussent et ce que la loi, la morale ou le politiquement correcte lui dictent. De ces exigences contradictoires, visibles exemplairement dans le cyclisme mais qui inondent en réalité tout de nos vies, ne peuvent naître que des incohérences. Elles sont le lit des crises que notre monde traverse. »

Ces crises sont celle du modèle démocratique, la crise sanitaire actuelle et, « la plus importante de toutes », la crise écologique liée au réchauffement climatique, symbolisée par cet « homme moderne, perdu entre la poursuite de son bien personnel immédiat et la conscience des maux que générera à terme cette quette, tiraillé entre un sens des responsabilités quant à l’avenir de ses enfants, de son espèce, et les contraintes de la vie singulière ».

Comment un individu peut-il se gouverner face à « un monde absurde » et « une société inconséquente (…) qu’il construit autant qu’il combat ? » : tel est le sujet d’un essai qui se lit « à travers les yeux d’un cycliste, cherchant inlassablement à s’échapper d’un peloton auquel il est inextricablement lié, puisqu’il le constitue ».

L’été prochain, saisis par le suspense de la course derrière notre poste de télévision, combien seront-nous à faire de la philosophie sans le savoir ? Philippe Brenot


La société du peloton, philosophie de l’individu dans le groupe, Guillaume Martin, Grasset, 2021, 186 pages, 17,90 €.
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