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« Des arts martiaux en résonance avec l’humanisme laïque »

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Élue nationale en charge des arts martiaux, Catherine Berrit-Sauvage établit un parallèle entre les conceptions des nouvelles disciplines accueillies à l’Ufolep et les valeurs éthiques de la fédération.

Catherine Berrit-Sauvage, quel est le panorama des arts martiaux à l’Ufolep ?

Il est varié, avec des 9 codes activité pour l’aïkido, le judo, le karaté, l’oshukai (dont la plupart des associations viennent de se désengager, NDLR), la capoeira, la canne de combat, le ju jitsu, le vovinam et le tai chi chuan, plus la catégorie mal identifiée des « autres arts martiaux ». Plus aussi la boxe éducative et la boxe française, si on élargit le spectre aux sports de combat.

La discipline historique à l’Ufolep, c’est le judo…

Oui, et elle se caractérise aujourd’hui par l’écrasante part des licenciés enfants. Les écoles de judo constituent l’essentiel de nos 2000 licenciés dans une discipline qui, il y a trente ans, en comptait douze fois plus. C’est de l’éducatif : les parents inscrivent leurs enfants à 4-5 ans, et souvent à 10 ans c’est fini. Entre temps, ceux-ci ont acquis les bases de l’aisance corporelle et le respect des règles et des valeurs sportives, symbolisé par les rituels de salut. Mais cela ne se prolonge plus dans la pratique adulte comme auparavant. L’autre discipline phare, le karaté, a également vu fondre ses effectifs dans sa forme compétitive, avec là aussi une forte proportion d’enfants de moins de 11 ans parmi nos 735 adhérents.

La commission nationale sportive « arts martiaux » a disparu en tant que telle…

La CNS arts martiaux intégrait un large panel d’activités, y compris le kourach, une lutte d’Ouzbékistan développée par une association du Pays basque. J’y ai représenté moi-même le tai chi chuan, pratiqué au sein de mon Amicale laïque de Barbezieux (Charente). Mais il y avait des tensions, en raison de cette diversité et de visions différentes concernant la place de la compétition. Le judo, jusqu’alors prééminent, a ensuite connu une hémorragie après le départ de plusieurs gros clubs, notamment en Moselle. Depuis, il n’y a plus suffisamment de troupes pour organiser des compétitions nationales significatives. Aujourd’hui, la majorité des associations de judo ne sont pas intéressées par la compétition, ce qui n’empêche pas les comités départementaux où la pratique reste représentative, comme le Rhône, de continuer d’en organiser. Mais cela a précipité la fin de cette CNS, avec ce questionnement : est-il judicieux de réunir à tout prix tous les arts martiaux ? Nous avons jugé que non.

D’où le projet de créer des CNS par discipline ?

C’était cohérent avec la création de brevets fédéraux, alors en pleine refonte après la suppression du Brevet d’État jusqu’alors commun à toutes les disciplines confondues. Fort d’une équipe soudée autour d’Antonio Barbas, l’aïkido a avancé très vite. Pour mon activité, le tai chi, cela a été moins rapide. Puis en 2016 je suis devenue élue nationale, en charge des arts martiaux. J’ai alors été sollicitée par des activités souhaitant s’affilier à l’Ufolep parce qu’ils se sentaient bridés dans leur fédération d’origine. C’était le cas du karaté-oshukaï et du vovinam, une activité qui s’était déjà rapprochée du comité de Gironde. Les représentants de ces écoles d’arts martiaux étaient peu intéressés par la compétition pure mais très attachés à la tradition et à la dimension holistique de la discipline, c’est-à-dire au développement de la personne dans son ensemble, sans dissocier le corps et l’esprit. C’est pourquoi ils étaient mal à l’aise avec le cadre normalisateur propre à toute fédération privilégiant l’approche compétitive, alors qu’à l’Ufolep nous avions pour seule exigence que la pratique soit sans violence et sans K-O.

Mais pourquoi avoir souhaité réunir de nouveau des disciplines pourtant très différentes dans un groupe de travail ?

Parce que l’aïkido, l’oshukaï, le vovinam et le tai chi chuan partagent cette même approche philosophique. À partir de là, on pouvait à nouveau créer du commun, au sein d’un groupe « arts martiaux » plus souple et plus informel qu’une CNS. Nous avons commencé à formaliser cette vision commune en nous efforçant de répondre à la question : qu’est-ce qu’un art martial à l’Ufolep ?

D’autres disciplines, comme le bâton égyptien ou la canne de combat, ont-elles vocation à rejoindre ce groupe ?

Si elles le souhaitent, oui. Mais nous ne souhaitons rien imposer. Dans les arts martiaux, la figure du « maître » est centrale et les différentes écoles se structurent généralement autour de personnalités charismatiques. C’est le cas du bâton égyptien avec d’Adel Paul Boulad, qui s’emploie beaucoup pour le développer. Serait-il aussi à l’aise dans un cadre collégial ? Ce n’est pas certain. Pour la canne de combat, je n’ai pas eu d’échanges, et avec le self-défense la réflexion n’est pas assez avancée. Mais la capoeira ou des boxes pourraient nous rejoindre si elles partagent le même esprit.

Qu’y aura-t-il dans ce « vademecum » en cours de finalisation ?

Nous préciserons que si la compétition a sa place à l’Ufolep, en particulier dans les arts martiaux, qui reposent sur la confrontation avec l’adversaire, c’est avant tout pour s’étalonner, s’améliorer. L’essentiel c’est la rencontre avec l’autre et la progression, sans s’attacher à reproduire le modèle sportif olympique. D’où l’importance du travail sur les grades, pensés comme une validation de la progression de chacun, et non pas comme un diplôme que l’on possède une fois pour toutes. Le grade doit être un outil de motivation, pas une médaille.

C’est le cas des ceintures en judo…

Exactement. Les différentes couleurs sont des étapes. Cela ne signifie pas forcément qu’on est plus fort, mais plus autonome, plus savant des techniques. Les arts martiaux « internes », c’est-à-dire tournés vers la personne et non vers « l’externe », associé à la compétition, rejoignent l’ambition de l’Ufolep de contribuer à l’émancipation des personnes. Tous les maitres dignes de ce nom parlent de créer les conditions d’une paix en ayant le contrôle de soi, en étant apaisé dans ses émotions, en travaillant physiquement pour sa santé, sans chercher à soumettre l’autre. À mon sens, cela correspond précisément à notre vocation d’éducation physique et d’éducation populaire. C’est aussi pour cela que je préfère le mot « philosophie » à celui de « spiritualité », souvent utilisé dans les arts martiaux. Il prend en compte l’être humain dans sa globalité (corps, psychologie, psychisme), dans l’esprit de l’humanisme laïque de l’Ufolep.


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