Le Ladies Football Club, roman en vers épique et féministe

Le Ladies Football Club déroute d’abord comme un dribble de Garrincha ou d’Alex Morgan. Roman en vers libres, il faut en épouser le rythme, et c’est par la lecture à haute voix que le texte prend toute sa dimension. En cela l’ouvrage s’apparente à un monologue de théâtre ou à un poème épique.

Il ne faut pas non plus y chercher la vérité historique. Certes, Stefano Massini s’inspire de l’épopée des ouvrières britanniques du Dick, Kerr’s Ladies Football Club, du nom de l’entreprise de munitions qui employait ces pionnières. Mais, à part l’année – 1917 – et le contexte – l’appel à la main d’œuvre féminine pour remplacer les maris partis au front –, l’écrivain et dramaturge italien laisse la bride sur le cou de son imagination.

Si l’on partage le quotidien et les aspirations de ces onze femmes en quête d’émancipation, on est dans la légende, comme déjà pour la saga des Frères Lehman, récit baroque inspiré par la faillite retentissante de la banque éponyme qui valut à son auteur le prix Médicis essai 2018. Ici le réalisme n’a pas court, et surtout pas durant ces quatre matchs où les ouvrières de Doyle & Walker Munitions affrontent successivement un ramassis d’éclopés et de souffreteux, une tonique formation de jeunes adolescents et de très guerrières walkyries, avant de s’aligner, un mois après l’armistice, devant les tribunes pleines à craquer du stade londonien de Stanford Bridge, face aux meilleurs footballeurs du pays, professionnels de surcroît.

Pour l’occasion, elles sont « en short noir et maillot noir frappé de l’écusson d’un jaune voyant du L.F.C. » : une tenue qui a valeur de reconnaissance pour celles qui auparavant ont dû cacher leurs jambes et dissimuler ou couper leurs cheveux. Mais ce match aux allures d’apothéose et retransmis à la radio n’est-il pas un piège, une façon de les humilier ? Dans la réalité, les « munitionnettes » du Dick, Kerr’s Ladies Football Club disparurent en 1921 après une résolution de la Football League interdisant les terrains aux femmes. La gardienne de l’équipe préfère ici prendre les devants et s’enfuir en plein match avec le ballon, comme pour aller l’offrir aux footballeuses d’aujourd’hui. Ph.B.

Le Ladies Football Club, Stefano Massani, éditions Globe, 192 pages, 20 €.